Mélo et film d’aventures bâti à la gloire de la sensualité de Marlène Dietrich, cette pépite de 1940 donne envie de s’intéresser à l’œuvre oubliée de Tay Garnett.
Parmi les grands faiseurs à tout faire – et souvent n’importe quoi – hollywoodiens et autres vétérans de la commande solidement troussée, Tay Garnett occupe une place de choix dans le cœur des cinéphiles et nombreux sont les dévoreurs de pellicules à se passer sous le manteau quelques titres aujourd’hui oubliés. Honnête fabricant pour l’usine à rêve (MGM et Universal notamment), faiseur à la chaîne de gags au temps du muet pour Hal Roach, Garnett officia comme scénariste-dialoguiste-réalisateur de 1928 à 1973 où il réalisa à peu près une cinquantaine de divertissements. Comme tant d’autres réalisateurs de cette glorieuse époque (Walsh, Wellman, Borzage…), Garnett apprit le sens de la vie dans la rue puis dans les bouges et sur le front en 1917 où il fut gravement blessé (il conserva tout du long une claudication). Bourlingueur dans l’âme, il fut aussi aviateur, ingénieur et marin, ce qui lui a permis d’être particulièrement à son aise avec les films d’aventures exotiques comme le célèbre Voyage sans retour (1932) où un criminel et une fille condamnée d’avance filent la parfaite passion sur un rafiot dans le Pacifique. La postérité a surtout retenu son Facteur sonne toujours deux fois (1946), d’après James Cain, sommet du film noir boueux à garce irrésistible (Lana Turner à se damner). La maison des sept pêchés conjugue tous les talents de Garnett : comédie burlesque et bien potache, aventure exotique du côté de Java et romance rédemptrice où une traînée dénommée Bijou se rachète une vertu dans les bras d’un jeune officier probe campé par John Wayne. La vamp est interprétée par Marlène Dietrich qui semble échapper du tournage d’un film de son cher Sternberg. Drapée de collants et de bas, de gants en dentelles, le visage du péché dissimulé sous la mantille, elle se déhanche devant une armada de marins éméchés avec qui il ne fait pas bon traîner trop tard. Le générique du film défile d’ailleurs sur une longue bataille homérique dont Garnett a accéléré la vitesse de défilement comme au temps du burlesque. Le film s’ouvre donc sur un déchaînement aberrant de testostérone qui donne la mesure d’une œuvre où des mâles tentent à chaque scène de culbuter dans tous les coins de l’Océanie la troublante allumeuse. Laquelle charme puis se reprend, croise puis décroise les gambettes et pousse la chansonnette en raillant tous ces minables prétendants, tous puceaux. Il y a une fabuleuse scène de comédie musicale où l’Allemande Marlene pousse la chansonnette en les faisant tomber à ses pieds, provoquant autant de carnages qu’un général de la Wehrmacht. Rarement Marlene aura été aussi affriolante et dominatrice face à tout ce machisme ambiant que Garnett tourne sans cesse en dérision. Néanmoins, Marlene oblige, comme chez Sternberg encore, en un regard de Wayne, une attention virile et délicate, Bijou est capable de se transformer en un plan en ingénue amoureuse et tendre. Véritable festival Dietrich, souvent drôle et diablement excitant, La maison des sept péchés redonne envie de farfouiller d’autres perles rares dans la copieuse filmo du gars Garnett.
La maison des sept péchés de Tay Garnett chez Elephant Films, plus d’informations