A la galerie Sabine Bayasli, une vingtaine d’artistes livrent leur vision d’un retour à la nature. 

La nature. On l’aurait presque oublié tant l’horreur et la souffrance humaine prédominent dans l’actualité de ces dernières semaines. Parler ou peindre des fleurs, se soucier de la préservation de la biodiversité et peindre des animaux, s’engager pour l’écologie et peindre des forêts primaires semblent soudain plus éloignés de nos priorités et de nos angoisses. Pire, écrire sur un tableau de fleurs scintillantes ou sur le mal-être écologique dans nos sociétés contemporaines paraît vain quand des bombes, à trois heures d’avion, ravagent tout, humains et nature compris. Pourtant, la beauté et la poésie, en un mot l’art, ne seraient-ils pas l’unique remède, pour ne pas dire l’unique force de vie qu’il nous reste, quand il ne reste justement plus rien. C’est ce qu’évoquait l’an dernier avec beaucoup d’émotion le poète ukrainien Ilya Kaminski lors de l’édition Un Week-End à l’Est consacrée à la ville d’Odessa : « Quand c’est la guerre, dans la rue, lorsque vous entendez les sirènes, vous n’êtes plus qu’un corps, et ce qu’il vous reste, dans la tête, ce n’est plus que le souvenir d’une mélodie ou quelques phrases d’un poème ».  

Les artistes rassemblés dans l’exposition de la galerie Sabine Bayasli ont répondu à un appel, celui de la galeriste évidemment mais aussi celui d’un retour à une nature sauvage et authentique. Une démarche inspirée par l’état d’isolement total expérimenté par Henry David Thoreau, auteur de Walden ou La vie dans les bois, récit pionnier du 19e siècle, remis au goût du jour à l’aune des préoccupations écologiques et dans lequel l’auteur se retire de la civilisation durant deux ans, seulement entouré d’une forêt et d’un étang. Il ressent dans sa chair et son esprit un état sauvage oublié, une sève originelle. Constituée en grande majorité de peintures de style très divers l’exposition réussit à rassembler autour de l’exaltation de l’imaginaire propice à défricher un retour à une nature mythologique, magique, fabuleuse ou occulte, celle-là même qui n’a cessé de nourrir les œuvres des artistes. Paysages de forêts primaires mystérieuses de Bruno Gadenne, retour à un âge d’or oublié et à la candeur des corps nus de Simon Pasieka, retrouvailles des peintures de chevalet des paysagistes du 19e siècle chez Abel Pradalié, puissance des symboles et sensualité dans l’imagerie complexe de Nazanin Pouyandeh, présence des fantômes romantiques et des légendes cryptiques dans les dessins en noir et blanc de Marko Velk et de Magdalena Lamri, chaos de nos ruines urbaines et contemporaines chez Pauline Riveaux. Autant de beautés cruelles et fantastiques qui interrogent un état de conscience au diapason des grands maux contemporains. Solitude, perte de repères, angoisses des villes, espoir écologique, utopie de renouveau, inspiration des grands espaces, dérèglement climatique, refuge dans un passé révolu… La luxuriance côtoie le désert de la sécheresse tentant d’esquisser des lendemains meilleurs. 

Call of the Wild, du 9 décembre au 13 janvier 2024, Galerie Sabine Bayasli, plus d’informations