La première française de Macbeth Underworld de Pascal Dusapin aura lieu cet automne à l’Opéra Comique. Une merveille magnifiquement mise en scène par Thomas Jolly.

Plus démoniaque, plus obscur, plus caverneux … l’opéra qu’a tiré Pascal Dusapin de la tragédie de Shakespeare est bien celui d’un Underworld, une descente dans les enfers d’un couple. Cette œuvre, plus inspirée par un héritage cinématographique que musical, par Welles que par Verdi, est une co-production entre le Théâtre de la Monnaie et l’Opéra Comique. Donné à Bruxelles en 2019, juste avant la pandémie, le désormais avant-dernier opéra de Pascal Dusapin n’a pas eu le loisir d’arriver jusqu’à Paris. Et peut-être n’était-ce pas un coup du sort, ce mauvais sort que l’on dit attaché à Macbeth. Peut-être, au contraire, valait-il mieux, pour les spectateurs, l’après que l’avant, attendre d’avoir repris des forces pour aborder une œuvre aussi délibérément et profondément sombre. De l’aveu de son compositeur, l’idée de Macbeth Underworld est survenue lors de la composition du précédent opus, Penthesilea, « une histoire tellement atroce que je me demandais : comment je peux faire pire ? » 

Pire, mais comme se plaisent à le répéter, dans la pièce et dans l’opéra, les trois prophétiques sorcières qui annoncent à Macbeth son règne meurtrier, « le laid est beau et le beau est laid ». Et en effet, l’esthétique de Thomas Jolly, un familier du théâtre shakespearien, qui a monté notamment la trilogie d’Henri VI et de Richard III, et qui signe là sa troisième mise en scène d’opéra, est certes ténébreuse mais elle est poétique. Soutenue par les décors de Bruno de Lavenère posés sur un plateau tournant, son atmosphère tient à la fois de l’expressionnisme et du gothique. Elle rappellerait presque un Nosferatu de Murnau ou d’Herzog. L’action se déroule dans un théâtre sépulcral, dans un château lugubre, dans une forêt aux arbres morts. Le tout est éclairé d’un soleil noir, peu à peu à rougissant, comme imbibé du crime des Macbeth. Le livret, en anglais, d’un autre shakespearien, l’écrivain et traducteur Frédéric Boyer, intègre avec dextérité grand nombre de références – extraits de sonnets, fragments de la Bible, citations d’auteurs, chants populaires… Et ce foisonnement visuel et textuel, violent et suffocant, fait corps avec une musique ample, aux registres larges, portée par un orgue et des instruments rares, comme l’archiluth ou le djudju, qui fait surgir, dans un enchaînement parfois diabolique, une ballade écossaise faussement joyeuse, une mélopée sensuelle, bien sûr une messe des morts… Quant aux personnages, vêtus de blanc, le visage blême, ils évoluent aux confins de la folie.

Alors que l’œuvre avait été créée par Alain Altinoglu, c’est à Franck Ollu, pour la première fois dans la fosse de l’Opéra Comique, qu’est cette fois confiée la partition. Il l’abordera en familier du compositeur dont il a dirigé la première mondiale de Passion en 2008 et de Penthesilea en 2015. L’Autrichien Georg Nigl, chanteur fétiche de Dusapin, abandonnera son rôle de Macbeth au baryton Jarrett Ott. À l’aise dans un répertoire allant du baroque à Bernstein, ce jeune Américain se prête volontiers à des incursions dans le contemporain et sera notamment sur la scène de l’Opéra-Bastille en 2024 dans l’Ange exterminateur de Thomas Adès.

Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, direction musicale Franck Ollu, mis en scène Thomas Jolly, Opéra Comique du 6 au 12 novembre 2023, Plus d’informations