Martin Scorsese est de retour et il ne déçoit pas avec son Killers of the Flower Moon : une mise en scène sobre et tout en douceur pour raconter l’extermination d’Amérindiens.

Martin Scorsese revient sur nos écrans avec une fresque envoûtante, adapté du livre-enquête Killers of the Flower Moon : Oil, Money, Murder and the Birth of the FBI de David Grann. Le film reprend le récit de cette extermination d’une tribu d’Amérindiens, les Osage, au profit de l’or noir. Fraîchement débarqué dans l’Oklahoma, après avoir servi dans l’armée en tant que cuisinier, Ernest Buckart (Leonardo DiCaprio) s’installe chez son oncle, le richissime William Hale (Robert De Niro). Ce dernier se fait proclamer bienfaiteur des Osage, lui dont la fortune repose sur des opérations financières douteuses. Alors qu’il semble redistribuer à la ville de Fairfax bon nombre de ses bénéfices, son influence s’étend sur la banque, la police et les médecins du Comté. Insidieusement, il invite son neveu à épouser Molly (Lily Gladstone). La fortune personnelle et familiale de cette dernière n’est pas étrangère à ces vœux d’union. Molly n’est pas dupe. Tout est vicié dès le départ dans ce mariage, bien que Scorsese s’attache à saisir la naissance d’un amour. Et la suite n’en est que plus cruelle : Ernest épouse Molly, ses sœurs et sa mère disparaissent l’une après l’autre, d’une balle dans la tête, dans une explosion, d’une curieuse maladie. Les cadavres s’empilent et nul ne s’en émeut. Scorsese, le passionné de western et en particulier du Duel au soleil de King Vidor (1946), rêvait de réaliser le sien. Il se place sous l’égide des maîtres, tout en avançant vers d’autres horizons. Ici ni duel, ni galop fiévreux et triomphal. Les chevauchées se font plutôt en automobile puisque c’est la richesse des Osage – selon la presse de l’époque : « un Américain sur dix seulement a une voiture, alors que presque chaque Osage en possède une dizaine. » Killers of the Flower Moon se situe au croisement de divers genres, un film noir aux allures de western placide, mâtiné de drame romantique. Cette œuvre scorsesienne en diable présente surtout une terrifiante histoire où la culpabilité, la soif de l’or et la haine raciale poussent l’homme aux pires ignominies. Plus que les meurtres, qui s’enchaînent presque sans violence, ce qui intéresse le cinéaste c’est la mécanique implacable de la mise à mort d’un peuple. Sa sobre mise en scène tient la note pour une fresque tortueuse recentrée sur le récit et ses personnages. Salle de billard, plaines sauvages, intérieurs étouffants où l’on crève à petit feu dans la sueur et la laine. Scorsese offre un tableau curieusement doux pour raconter l’horreur, il prend le temps d’exposer les motivations de chacun, brosse minutieusement chaque portrait, là où le livre s’attache davantage à l’enquête, la réparation d’une injustice et la fondation du FBI (encore à ses balbutiements à travers le Bureau Of Investigation). Ernest Buckart apparaît comme un pantin entre les mains de son oncle, piégé dans les rets d’une stratégie machiavélique qui le dépasse, prisonnier de ses actes comme de sa lâcheté. Et c’est avec tendresse que chaque jour, il plante son aiguille dans la chair de son épouse pour lui injecter l’insuline et le poison qui la consume lentement. Lily Gladstone réussit la prouesse de surpasser ses partenaires, avec son jeu ténu, taciturne, presque effacé et sa présence magnétique. Un pur bijou !

Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese, avec Léonardo DiCaprio, Lily Gladstone, Robert De Niro, Jesse Plemons. Paramount Pictures et Apple Originals.