Treize ans après sa création au Théâtre du Soleil, Jean Bellorini reprend l’un de ses premiers spectacles, Tempête sous un crâne, une adaptation tout feu tout flamme des Misérables, et le fait entrer au répertoire du TNP-Villeurbanne.
Du théâtre de tréteaux, du vrai, du pur, du beau ! Les Lyonnais et les Villeurbannais n’avaient pas eu la chance de découvrir Tempête sous un crâne, à sa création en 2010, puis à sa reprise en 2016. Qu’à cela ne tienne, Jean Bellorini et sa troupe originelle reprennent pour le plus grand plaisir des spectateurs, cette œuvre fleuve, véritable fresque humaine ciselée au cordeau, qui nous emmène au plus près des Misérables de Victor Hugo. Avec une maestria, une intelligence du plateau et de la fable, le directeur du TNP-Villeurbanne et son acolyte, le comédien et dramaturge Camille de La Guillonnière, portent à la scène ce chef-d’œuvre de la littérature française, archétype du romantisme en vogue à la fin du XIXe siècle. Plus de trois heures trente durant, les vies tumultueuses, terribles et romanesques de Jean Valjean, Javert, Éponine, Marius, Cosette et bien sûr du petit Gavroche défilent avec un sens impressionnant du rythme et du suspense.
Bien sûr, on connaît l’œuvre de Hugo, ses tenants, ses aboutissants. Pas de surprise, la trame, bien que resserrée, notamment sur des personnages secondaires, est respectée à la lettre. Mais c’est ailleurs que la virtuosité de Jean Bellorini et ses interprètes s’exprime et donne à ces vies de miséreux, une humanité magnifiée. Au plateau, porté par la musique jazzy imaginée par Céline Ottria et jouée en direct par Marion Chiron à l’accordéon et Hugo Sablic à la batterie, Clara Mayer et Camille de La Guillonnière plantent le décor, déroule les fils d’une histoire à tiroir. Se glissant dans la peau des différents protagonistes, ils donnent vie à toute une galerie de personnages avec une gouaille, une vitalité qui saisissent, attrapent et enthousiasment. Les pages du roman filent à vive allure, les scènes dramatiques gardent toutes leur force poignante, mais grâce à leurs tons résolument décalés, les inflexions singulières de leur voix prennent des airs cocasses de tragi-comédie, dénonçant ainsi entre les mots une société rigide et sans compassion. Les rires fusent, les imaginaires s’envolent tant se dégagent de cette troupe épatante des images d’une poésie lumineuse. Puis les larmes coulent. Troublante de vérité en Éponine, Karyll Elgrichi offre à cette enfant des rues, malmenée par la vie, une mort d’une rare intensité.
S’intéressant plus à la psychologie des personnages, aux doutes qui les traversent, Jean Bellorini signe un véritable chef-d’œuvre, un spectacle exigeant autant que populaire.
Tempête sous un crâne d’après les Misérables de Victor Hugo, adaptation de Jean Bellorini et Camille de La Guillonnière. Mise en scène de Jean Bellorini.
TNP-Villeurbanne, jusqu’au 30 septembre, plus d’informations