Comment un parcours aussi varié que le vôtre vous prédisposait-il à prendre la tête de l’EIC ?

Ce parcours m’a permis d’expérimenter. J’ai été violon solo d’orchestre, j’ai fait de la musique de chambre, notamment avec le Quatuor Satie. C’est là que j’ai le plus appris, car le quatuor est un travail exigeant, qui met en contact avec le répertoire classique et la création. J’ai toujours navigué entre différents styles, j’ai été confronté très tôt à l’écriture contemporaine. Lorsque j’ai commencé à étudier la direction d’orchestre, en 2010, auprès de Jorma Panula, j’ai compris que ce métier était ma passion. L’an dernier, quand le poste de directeur musical de l’EIC s’est présenté, je venais de prendre les rênes d’un orchestre danois et je travaillais encore avec le Lemanic Modern Ensemble. Déjà en tant que chef invité, je me suis senti accueilli par les musiciens de l’EIC comme dans une famille. Parce que je suis un instrumentiste ? 

Vous succédez à Matthias Pintscher : quel a été sa patte, et quelle sera la vôtre ?  

J’ai une immense admiration pour Matthias Pintscher, en tant que chef, bien sûr, et aussi en tant que compositeur. J’ai un père compositeur, mais moi, je ne compose pas. Or, la vision d’un chef-compositeur est passionnante, c’est tout un univers artistique et esthétique que Matthias Pintscher a amené à l’Ensemble. J’envisage ma collaboration avec l’EIC comme un travail du son : il est notre ADN de musicien, notre personnalité profonde. J’aimerais le développer, même s’il est déjà si précis et si articulé. Et j’envisage des perspectives d’ouverture, notamment grâce à la création d’opéras. En juin, nous avons donné Orgiad’Hèctor Parra, à Bilbao, avec le metteur en scène et librettiste Calixto Bieito. L’expérience a été fabuleuse et nous préparons des projets semblables. L’autre axe, c’est l’EIC and Friends, un petit festival qui nous permettra d’accueillir des amis musiciens d’horizons variés. Patricia Kopatchinskaja sera la première, car c’est une passionnée de création. EIC and Friends sera un laboratoire d’idées qui attisera, j’espère, la curiosité de nouveaux publics. Nous donnerons aussi Mnemosyne, de James Dillon. Lors de mon dernier concert d’invité avec l’EIC, nous avons créé Pharmakeia, de ce compositeur écossais que je ne connaissais pas encore. J’ai eu envie que ma première saison s’ouvre avec sa musique, dans laquelle on plonge comme dans une symphonie de Mahler. Souvent, les créations durent 15 à 20 minutes. Cette fois, ce sera 75 minutes, le temps de pénétrer ce langage presque mystique. L’Ensemble sera sur un plateau tournant, au centre de la salle : une expérience immersive. 

Pour vous, dont les parents ont enseigné la musique, la transmission est-elle importante ?

Elle est cruciale. J’ai toujours eu des projets avec les jeunes – j’aime leur émerveillement. Pierre Boulez, le fondateur de l’EIC, travaillait dans cet esprit de transmission, et j’ai eu la chance de le rencontrer et de jouer deux fois sous sa direction. Ce qu’il y a de fantastique avec lui, c’est qu’il a commencé tard à diriger et qu’on apprend beaucoup en regardant sa progression, entre ses débuts de chef un peu raides et une dizaine d’années après, quand son geste respire, montrant sa géniale compréhension de la musique ! À l’automne, nous donnerons les Espaces acoustiques de Grisey avec le renfort d’élèves du CNSM(Conservatoire National Supérieur de Musique). Mais la transmission, c’est aussi ce je ne sais quoi de mystérieux qui passe entre la scène et le public, qu’on ne doit pas contrôler mais essayer de susciter. Une connexion des âmes…

In Between Mnemosyne
James Dillon, création mondiale, 
Ensemble intercontemporain, Cité de la Musique, 14 septembre
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