Dans le cadre de l’exposition du Musée du Luxembourg consacrée à l’amitié qui unissait Gertrude Stein et Picasso, le metteur en scène Ludovic Lagarde a été sollicité pour imaginer des impromptus théâtraux autour ce duo singulier. Rencontre. 

Quelle est la genèse de ce projet ? 

Depuis longtemps, j’ai une fascination pour l’écriture de Gertrude Stein. Elle s’est nourrie au fil du temps. L’opéra de chambre, To Be Sung, composé par Pascal Dusapind’après A Lyrical Opera Made by Two et créé en 1994 aux Amandiers, fait partie des œuvres qui m’ont marqué et m’ont permis d’appréhender autrement son écriture, de fréquenter sa pensée, de la mettre en lecture, puis en scène. Avec le concours d’Olivier Cadiot qui a traduit en français certaines de ses œuvres, j’ai pu monter deux de ses œuvres, Doctor Faustus Lights The Lights et Oui dit le très jeune homme. La réunion des musées nationaux, dont fait partie le Luxembourg, a dû en entendre parler, donc assez naturellement, Cécile Debray, la commissaire de l’exposition, qui est aussi la toute nouvelle présidente du Musée national Picasso Paris, m’a demandé si je serais intéressé d’animer le lundi des nocturnes, des moments théâtraux, des lectures qui puissent permettre de rendre concret le lien incroyable qui unissait ses deux êtres. 

Qu’allez-vous présenter dans le cadre de ces lectures théâtralisées ? 

Pour mettre en place ces impromptus, je me suis replongé dans les textes de Stein, notamment sa correspondance avec Picasso. Ce qui m’intéressait, c’était de mettre en lumière la manière dont l’un et l’autre se sont influencés et ont nourri leur art, poétique pour elle, pictural pour lui. Il m’a donc semblé judicieux de picorer dans Lectures en Amérique, un recueil de conférences ou de courts écrits didactiques portant sur des sujets aussi divers que les problèmes de la prose, du roman, de la poésie ou de la peinture. Publié en 1935, cet ouvrage compile des textes que Gertrude Stein a écrit à différents moments de sa vie. Ils permettent d’éclairer son regard sur l’art. Elle y raconte notamment comment elle a fait pour inventer ce style si particulier et de quelle manière elle a révolutionné la poésie américaine. C’est en s’inspirant des premières toiles cubistes de Picasso, qui ont été un vrai choc émotionnel et artistique pour elle, qu’elle s’est essayée avec succès à transposer ce qu’elle ressentait. Elle utilise tout un vocabulaire qui fait plus référence à la musique, à la peinture, qu’à la littérature. Cela m’a semblé être en parfaite résonance avec l’exposition. 

Comment avez-vous imaginé la mise en scène de ces lectures ? C’est très simple, cela va se passer dans une salle attenante au musée, du nom de Tivoli. C’est un très joli espace avec une petite avancée vitrée qui donne sur le parc et les jardins du Luxembourg. Nous allons y installer quelques éléments rappelant le salon où Gertrude Stein recevait ses amis et les artistes du tout-Paris, mais aussi du monde entier. Pour incarner sa langue, j’ai demandé à cinq comédiennes – Léa Luce Busato, Daphné Biiga Nwanak, Christèle Tual, Valérie Dashwood et Dominique Reymond – de venir à tour de rôles dire des passages de Lectures en Amérique ou dans le cas de Valérie Dashwood, accompagnée de Philippe Duquesne et Laurent Poitrenaux, de dire quelques passages du roman que j’avais adaptés à Avignon en 2004, Fairy Queen, traduit par Olivier Cadiot. L’idée m’est aussi venue de contacter Yves-Noël Genod pour participer à cette expérience et lire une autre œuvre de Gertrude SteinL’autobiographie d’Alice Toklas

Exposition Gertrude Stein et Picasso, au Musée du Luxembourg,
du 13 septembre 2023 au 28 janvier 2024,
plus d’infos sur www.museeduluxembourg.fr