En mai, à la Colline, Anaïs Allais poursuit l’exploration de son histoire franco-algérienne et explore à travers le destin de trois femmes, la vie après le deuil. 

Dans Par la Mer (Quitte à être noyées), vos origines franco-algériennes continuent à être au cœur de votre écriture… 

C’est vrai que c’est une obsession que j’ai dans tous mes textes. Cela a toujours été là et ça l’est encore. C’est indéniablement dû à mes origines, certainement aussi au fait que j’ai découvert l’Algérie assez tard dans ma vie. J’avais 23 ans quand, avec mon frère et ma sœur nous avons découvert le pays de ma mère, nos cousins, notre famille Outre-Méditerranée. L’écriture a d’ailleurs été pour moi le seul moyen de pouvoir exprimer ce que je ressentais. Néanmoins, à chaque histoire que je raconte, que j’écris, ce n’est que rarement le point d’entrée. J’essaie toujours d’ouvrir de nouvelles portes, mais ma double culture finit toujours par revenir hanter ma plume. C’est toutefois assez logique puisque je travaille avec des matériaux que j’ai sous la main. Il y a donc toujours dans mes textes une part autobiographique. Quand j’ai commencé à écrire Par la mer, nous étions en pleine pandémie et je venais de perdre ma mère. Nous avons répanduses cendres dans la mer. Ce fut le point de départ. Mon écriture était directement connectée à ce que je vivais, à ce que j’avais besoin d’exprimer autrement que par l’oral. Il y avait un lien direct, presque organique avec cette immensité lente, cette masse sombre, impassible qui se trouvait devant mes yeux. Le décor planté, la parole intime de cette femme dont les cendres venaient d’être dispersées dans les flots est devenue fictionnelle.

Comment êtes-vous passée justement de l’intime à la fiction ? 

Je me nourris de ce qui m’entoure, des personnes qui gravitent autour de moi, les techniciens et techniciennes, les comédiens et les comédiennes, les chargés de diffusion, le ou la dramaturge. Rapidement, des discussions avec les trois comédiennes, qui portent le texte au plateau, sont venues alimenter mon texte. Nos errances collectives se sont invitées dans ma fiction. Quand je commence une pièce, j’ai rarement, voire jamais d’intention sur ce que je vais écrire, cela vient au gré des rencontres. Je ne sais jamais où je vais et quel personnage va surgir au cours du récit. De ce fait, tout mon travail d’écriture va être de créer un lien entre ces rencontres et ces événements, de tisser des fils. 

Vous dites aussi que finalement, l’écriture, pour vous, n’a pas de finalité théâtrale…

J’ai en effet constaté que l’écriture est pour moi nécessaire, mais que je ne pense jamais à sa destination finale, au fait qu’un jour mes mots seront dits sur un plateau. Je pars toujours de l’intime, de ce que je ressens, avant d’aller vers l’universel. Cela fait écho avec le monde autour de moi. J’ai besoin que ce que j’écris fasse écho chez l’autre. Si ce n’est pas le cas, j’abandonne et je pars sur autre chose.

Dans ce nouvel opus, vous racontez l’histoire de trois femmes, Est-ce important pour vous d’évoquer des récits au féminin ?

Je ne sais pas si c’est important, mais en tout cas, c’était pour moi une évidence. À l’endroit de l’écriture, je ne me suis jamais dit que je devais tracer des récits de femmes. Elles se sont imposées, tout comme le décor. Et finalement, Par la mer, est une histoire qui est racontée par des femmes et qui doit être racontée par des femmes. Tout cela est très intuitif. Comme je vous le disais tout à l’heure, tout est histoire de hasard. Il en va de même de ma présence sur scène. Jusqu’à présent, il y avait comme une nécessité de donner vie à mes mots. M’éloignant de plus en plus de l’autofiction, je n’ai pas ressenti cette fois le besoin d’être au plateau. Je laisse à d’autre le soin de le faire.

Par la Mer (Quitte à être noyées) d’Anaïs Allais Benbouali, au Petit Théâtre de la Colline-Théâtre national, du 23 mai au 18 juin