Depuis sa création en 1990, Théâtre en mai, rendez-vous incontournable à Dijon du paysage théâtral printanier, n’a de cesse de défendre exigence et pluridisciplinarité. Sous l’impulsion de Maëlle Poésy, le festival garde fièrement la ligne.

Du 18 au 28 mai 2023, Dijon s’ouvre au monde, à la diversité et à la tolérance. Pour cette deuxième édition, qu’elle programme, Maëlle Poésy a souhaité mettre l’accent sur les récits manquants, sur les histoires d’ailleurs, sur le conte d’aujourd’hui et surtout sur des regards autres, loin des standards, de la bien-pensance et de la norme. Très attachée à offrir aux festivaliers, des angles de vues différents, des rencontres avec d’autres cultures, d’autres visions du monde et de l’actualité, elle a imaginé des parcours permettant à chacun d’aller vers l’autre. Avec plus de 17 propositions, dont 3 créations et 4 spectacles étrangers, répartis sur tout le territoire, que ce soit dans les théâtres de la ville, les jardins ou l’espace urbain, cette 32e édition invite, 11 jours durant, à une balade au cœur du spectacle vivant des imaginaires d’artistes de tous horizons.

En débutant les festivités avec une pièce sur la vie de Molière et son illustre théâtre, que revisite, avec malice et irrévérence, Johanna Giacardi de la troupe des Estivants, la directrice du Théâtre de Dijon Bourgogne donne le ton. Ici, on chamboule les certitudes, on questionne le passé, on interroge l’avenir, on prend le pouls du monde. En contant dans La Freak, son histoire, ce que son corps noir et opulent renvoie dans l’imaginaire des autres, forcément mâtiné des carcans post-coloniaux, Sabine Pakora rappelle avec humour, qu’être noir n’est pas une définition suffisante de l’individu. En conviant les spectateurs dans un monde pos-apocalyptique, où seuls trois clowns survivent, le Munstrum théâtre signe une farce noire et politique qui croque avec délice les travers de nos sociétés occidentales. Face à la dépendance aux jeux vidéo d’une jeunesse en déshérence, le duo Chloé Catrin-Clément Clavel propose avec Elazen (la seconde vie), de plonger dans l’après, le temps de reconstruction où une fois sevré, il faut réapprendre à vivre avec les autres, ne plus répondre aux injonctions de performance et de rentabilité. 

En opposition à l’accélération de nos vies, à notre incapacité de plus en plus croissante de communiquer, David Geselson a eu la formidable idée de demander à des inconnus, des spectateurs, d’écrire par son intermédiaire et ceux de ses comédiens et comédiennes complices, la lettre qu’ils n’ont pas osée, pas su, pas pu, ou pas réussi à finir, et d’en faire un recueil qu’il porte avec délicatesse au plateau. Contre l’obscurantisme, le repli sur soi et la violence subie par ceux qui ne sont pas dans la norme, Yann Verburgh et Eugen Jebeleanu donnent la voix dans ITINÉRAIRES un jour le monde changera aux minorités à travers l’Europe qui remettent en question nos constructions identitaires et binaires. 

Quant à Mathieu Touzé, l’heureux co-directeur du Théâtre 14, il immerge avec une belle sensibilité son acteur fétiche Yumin Hey dans les affres de la maladie d’Alzheimer, en adaptant On n‘est pas là pour disparaître, roman d’Olivia Rosenthal. Surfant sur la thématique de comment être soi dans un monde pour lequel on ne semble pas être fait, Jean-Christophe Folly signe Sensuelle, qui raconte l’improbable et bouleversante rencontre entre trois êtres en marge de la société, et Julie Ménard, autrice associée au CDN, plonge à l’occasion d’un deuil sa narratrice dans les profondeurs de son être, pour faire ressurgir ses rêves d’enfant et les concrétiser. 

Loin de la ville et de son agitation, la brésilienne Gabriela Carneiro da Cunha entraîne le public avec Altamira 2042, une installation performative techno-shamanique, hypercolorée et connectée, au cœur de la forêt amazonienne.

 Enfin, dans le cadre du dispositif des Passe-Murailles, deux comédiennes de la troupe permanente du CDN portent à la scène, après l’avoir présentée dans différents lycées du secteur, Mer de Tamara El Saadi, où deux adolescentes qui ne se connaissent pas et qui ne semblent avoir rien en commun, vont en attendant un bus, s’apprivoiser, échanger et faire connaissance. De quoi faire saliver un public varié et curieux !

Théâtre en mai. Du 18 au 28 mai 2023,  CDN de Dijon Bourgogne