La Cinémathèque de Toulouse reçoit Gus Van Sant pour une rétrospective partielle autour de son œuvre filmique, en collaboration avec le Théâtre de la Cité où il vient présenter sa pièce musicale Trouble (2021), autour de la figure d’Andy Warhol, période Factory.

Figure emblématique du cinéma indépendant américain, Gus Van Sant n’hésite pas à passer de l’autre côté de la frontière avec un cinéma formellement plus classique comme Will HuntingPrête à toutHarvey MilkFinding Forrester, souvent de commande, pour revenir vers des formes plus abstraites et déconstruites. Toujours guidé par la tentation du cinéma expérimental, cinéma qui le fascine depuis ces jeunes années où il lisait les comptes rendus de ces films trop souvent inaccessibles, il trouve son inspiration dans des paysages désertiques, des cieux en mouvement perpétuels, des ponts rythmés par le ballet frénétique des véhicules. Hantée par l’image d’adolescents dont il épouse la marche le long de couloirs interminables, sa caméra saisit des nuques de garçons aux cheveux longs, garçons à la dérive dans leurs lycées de Columbine, Colorado (Elephant) ou de Portland, Oregon (Paranoïd Park). Le cinéaste se plaît à faire éclater les images en composantes variées, les démultipliant à souhait dans des rideaux de douche aux carreaux transparents et kaléidoscopiques (Psycho ou Paranoïd Park qui paient chacun à leur manière leur tribu à sir Alfred Hitchcock), des mosaïques d’écrans (Prête à tout ou Harvey Milk) ou des éclats en noir et blanc déformés (Mala Noche). Ses structures narratives jouent du collage et du puzzle sans fin. Plasticien, il s’adonne aussi bien à la photographie qu’à la peinture, au vidéo-clip qu’à la publicité. Héraut d’une Amérique des déclassés, depuis Drugstore Cowboy à My Own Private Idaho, en passant par Last DaysGerry ou même Even Cowgirls Get the Blues, Gus Van Sant filme le temps, le vide, l’absence, les déserts arides ou les forêts nocturnes, il trace sa route loin des sentiers battus et des conformismes. Digne descendant de la Beat Generation, il y puise une bonne part de sa conscience artistique comme politique. Dès le court métrage Thanksgiving Prayer, il met en scène un William S. Burroughs hurlant sa rage à l’encontre de la glorieuse et frauduleuse Amérique des conquérants, puis dans son film-collage The Ballad of the Skeletons, c’est le poète Allen Ginsberg qui déclame ses propres vers pamphlétaires à l’encontre de la vanité du monde. Burroughs vient réinjecter de la poésie dans deux autres films du cinéaste, à la manière d’un prêcheur toxicomane des temps nouveaux. Saisissant la jeunesse avec gravité, Gus Van Sant n’a eu de cesse de prendre des chemins de traverse, de quitter la ligne droite pour explorer la marge, celle où l’on écrit les textes les plus fulgurants, celle où l’on dépose des images indélébiles.

La Cinémathèque de Toulouse, rétrospective partielle de Gus Van Sant, en sa présence avec le Théâtre de la Cité, avril-mai-juin 2023.