Après deux festivals d’Avignon et une belle tournée, Jan Martens fait souffler un vent de révolte sur la grande scène de la Villette et aux Gémeaux, en présentant sa première pièce de groupe,  Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones. Une danse les poings levés !  

Jan Martens propose à travers le mouvement des corps de ses dix-sept danseurs et danseuses de plonger au cœur d’une foule révoltée. Ici, nous partons d’une foule qui joue sa vie, face à la dictature. Car Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones – (Toute tentative se soldera par des corps broyés et des os brisés,) sont des mots issus du discours du président chinois XI Jinping suite aux manifestations de Hong Kong en octobre 2019, et c’est bien là ce que nous raconte Martens, la puissance des manifestations lorsqu’elles s’érigent face aux dictatures, et mettent en jeu les corps des manifestants. L’idée est simple, nous mener au cœur de la contestation. Et l’on pense aussi aux autres manifestations ; qu’elles soient pour dénoncer le réchauffement climatique, pour combattre le racisme, pour appeler à des droits démocratiques, pour protéger acquis et droits sociaux ou pour se rebeller contre l’ordre établi, ces phénomènes de société se retrouvent dans l’ écriture épurée, presque radicale, qui n’est pas sans rappeler celle de ses ainées Anne Teresa De Keersmaeker et Lucinda Childs. Il habite l’espace, en cisèle le moindre recoin et invite à une réflexion sur l’importance de résister, de refuser les diktats, de faire que vibre encore et toujours l’essence même de la démocratie. 

Vêtus de gris, les uns après les autres, les interprètes, comme traversées par la musique entêtante, répétée en boucle du compositeur polonais Henryk Górecki, investissent le plateau. Courses rapides, gestes itératifs tranchant l’air, pantomimes ou pliés parfaitement exécutés, chacun joue sa partition au cordeau. Rien n’est laissé au hasard. Fonctionnant par séquences, par impressions fugaces de déjà-vus, la grammaire de Jan Martens se veut récursive jusqu’à l’hypnose ou la transe. Décalant à chaque fois, d’un rien, la structure, la cadence ou l’harmonie, il érige en système ce jeu de variations. 

Construit à partir de figures géométriques qui quadrillent la scène, le spectacle met les corps sous tension.  Que l’on voie une foule ou une armée, c’est un vent de révolte en coupes réglées que propose Jan Martens, un souffle de vie, d’insurrection qu’il met au cœur de sa création. Avec cette première pièce de groupe qui a fait les beaux jours du festival d’Avignon en 2021, Jan Martens est entré de plein pied chez les grands. Olivier Py ne s’y est trompé, lui offrant la cour d’honneur du Palais des Papes, l’année suivante.

Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones de Jan Martens à La Villette dans le cadre du Hors les murs du Théâtre de la ville, du 11 au 13 mai, Les Gémeaux, Sceaux, les 16 et 17 mai.