Décidemment, Kelly Reichardt ne déçoit pas. Avec son nouveau film, la réalisatrice nous plonge dans la vie d’une sculptrice.

Dès le générique, le nouvel opus de Kelly Reichardt, Showing up, nous plonge dans l’univers de la création. La caméra s’attarde sur des figurines de céramiques, épouse leur forme, leurs courbes et arêtes saillantes, s’attache à leurs couleurs au son des harmoniques d’Ethan Rose. La cinéaste fait ici le portrait de Lizzie (Michelle Williams, d’une justesse sans faille), une sculptrice sur céramique de Portland, dans l’Oregon, qui travaille dans son garage et rêve d’eau chaude, son chat roux affamé toujours dans les pattes. À l’extérieur, elle se charge du secrétariat pour une école d’art expérimentale centrée sur le bien-être, la nature et les exercices corporels de sa communauté. Les modèles sculptés, empruntés à l’artiste locale Cynthia Lahti, s’offrent tels des personnages à part entière du film. Conçues comme une extension du corps de l’artiste, les œuvres installent un rapport au corps profond. La mise en scène, sensible, s’installe, se fond dans les gestes qui façonnent la matière, s’accommode de la lenteur du processus. Showing up interroge la place de l’artiste dans un monde où tout vient le heurter — la famille, les amis, la part de créativité des uns et des autres. Solitaire, Lizzie voue ses journées et ses nuits à la sculpture tout en essayant de composer avec les aléas du quotidien, les gens qui l’incommodent. Sa voisine Joe (Hong Chau), artiste conceptuelle accaparée par ses propres expositions, préfère se démener ici ou là plutôt que réparer la chaudière cassée de sa locataire. Son frère creuse une fosse en son jardin poussé par un élan névrotique. Son père abrite un couple de nomades envahissants. Les accidents jalonnent le film tels des arrêts subis, des pauses qui soufflent sur l’ordinaire d’une Lizzie tout entière dévouée à ses figurines d’argile. Les choses et les animaux, esquintés, occupent l’espace visuel et sonore. Sa chaudière est en panne, un pigeon blessé exige des soins minutieux, une sculpture sort du four le côté gauche brûlé. Au rythme des roucoulements du pigeon à l’aile emmaillotée, Lizzie avance. Le film se fait tactile quand l’artiste, tour à tour vulnérable, égoïste, dogmatique, refuse de caresser le spectateur dans le sens du poil. Showing up donne à voir la fabrique de ces silhouettes qui prolongent le monde et le corps de Lizzie, la montre composant avec ses doigts, malaxant la matière, triturant la glaise. S’ingéniant à inscrire la durée en son sein — puisque tout acte de création prend son temps — le film devient métaphore de l’activité d’une cinéaste qui, accompagnée d’une équipe réduite toujours identique — le chef opérateur Christopher Blauvelt, le scénariste Jonathan Raymond et l’actrice Michelle Williams — a su trouver son tempo. Et alors que le pigeon, rétabli, reconquiert le ciel, Kelly Reichardt suit Joe et Lizzie s’avançant au cœur du plan, l’étirant, le prolongeant pour prendre leur envol. Une splendeur !

Showing up Kelly Reichardt, avec Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett, Diaphana films, Sortie le 3 mai

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