Eric Naulleau, chroniqueur à Transfuge, signe un essai stimulant, La faute à Rousseau, sur l’horripilante députée écologiste Sandrine Rousseau, qui dessert hélas une belle cause.

D’Eric Naulleau, critique, essayiste et animateur d’émissions politiques et culturelles, on connaît les passions littéraires et musicales, la verve gourmande et la gouaille jouissive et érudite. Il déploie volontiers ses talents pour faire un sort aux imposteurs de la société du spectacle, alimentée en permanence par de nouvelles figures imposées. Sandrine Rousseau est sans conteste un beau spécimen de ce grand barnum médiatique, et il choisit de les examiner sous son microscope d’entomologiste, dans un pamphlet bien informé et non dénué d’humour.

L’ensemble est de bonne tenue, énergétique et droit, comme on dit d’un vin vif, équilibré et précis.

Sandrine Rousseau est une « bonne cliente » des médias, jamais avare d’une saillie percutante ou d’un slogan provocateur pour bousculer la classe politique. Éric Naulleau décortique le « rousseauisme », qu’il décrit comme la version simpliste, exclusive et haineuse d’une pensée écologiste originelle, qu’elle aurait bricolée et rendue totalitaire et opportuniste.

Pour l’essayiste, l’écologisme de Sandrine Rousseau serait porté par une agressivité omniprésente et résultant d’un dévoiement baroque de ses fondamentaux philosophiques, pour aboutir à un environnementalisme « New-Age », holistique et autoritaire.

Il y voit là les ressorts d’une idéologie extrémiste de la défense de la biodiversité, inflexible, bornée, volontiers ignorante des conséquences économiques et sociales de son programme politique dirigiste.

Le « rousseauisme » n’est jamais dans la négociation, mais dans l’incantation d’un système global idéalisé à venir, écrit Naulleau.

Il est également porteur d’un « fatras éco-féministe » et sectariste, prônant une « déconstruction » radicale de l’homme forcément né brutal et infantilisé, dont le règne toxique de l’androcène n’aurait produit que la destruction de la nature et de son équilibre, alors que la femme serait instinctivement portée vers sa préservation.

Une fois l’homme déconstruit, adviendront alors décroissance vertueuse, respect de l’environnement, harmonie entre les êtres vivants et avec les plantes, et fin du patriarcat. Enfin le meilleur des mondes !

Concernant le volet des relations hommes-femmes, on est donc loin de la « Déconstruction » raisonnée de Jacques Derrida, mais plus proche du radicalisme à la hache du « Génie lesbien » d’une Alice Coffin, qui voudrait s’exempter totalement des hommes.

Éric Naulleau convoque la littérature pour blâmer la naïveté coupable de Sandrine Rousseau, qui ne verrait dans les cheminements parfois tortueux d’une relation sentimentale ou amoureuse qu’un combat asymétrique et à sens unique, où la femme serait nécessairement la victime malmenée, petite souris fragile et exploitée. « Exit ! », dans le rousseauisme, Philip Roth, Balzac ou Françoise Giroud, et leurs descriptions subtiles des labyrinthes complexes des tourments internes. « Exit ! », les jeux de séduction et d’intérêts, les émois contraints et versatiles qui animent l’être humain, masculin ou féminin.

Eric Naulleau voit in fine en Rousseau une opportuniste prête à tout, qui instrumentalise la cause des femmes au Palais Bourbon, quand elle mime, devant ses collègues députés, le symbole d’un vagin avec ses mains, pour signifier sa solidarité avec les femmes, tout sourire face caméra. Mais elle ne réussit qu’à embarrasser, et personne ne la suit dans cet incident de séance qui fait flop.

Naulleau conclut : « Le plus écœurant du rousseauisme tient à cette manière systématique de détourner les plus nobles causes pour un profit personnel politique ». Il juge que sa carrière politique s’est ainsi construite sur la victimisation de son cas personnel, car « la souffrance de Sandrine sert avant tout les intérêts de Rousseau ». Là aussi, Naulleau évoque son dégoût face à ce qu’il estime être la mise en scène d’une Rousseau opportunément éplorée, lors de la soirée télévisée de « On n’est pas couché », quand elle fut opposée à une Christine Angot hors d’elle, où ce ne fut, d’après Éric Naulleau, qu’un grotesque étalage calculé de concurrences victimaires.

Éric Naulleau est cruel mais il touche juste quand il rapporte les propos de cette Iranienne manifestant à Paris pour la liberté dans son pays, quand elle interpelle un caméraman pour interrompre le monologue de Sandrine Rousseau : « L’objet de cette manifestation, ce sont les femmes iraniennes, pas cette dame. »

Face à ces baudruches médiatiques gonflées d’elles-mêmes et de l’air du temps, trimballant une nouvelle forme de créationnisme mystique et ex-communicateur, Éric Naulleau prône une vigilance de tous les instants.

Eric Naulleau, La faute à Rousseau, Leo Scheer, 144p., 17 €