Entre Egoyan et Mandico, Giacomo Abbruzzese signe un film Disco Boy film une magnifique géographie de la nuit.

D’un côté la Biélorussie. De l’autre le Delta du Niger. Au milieu la France. Surtout sa langue. Le film s’appuie sur une géographie mentale autant que terrestre et qui se déploie au mieux la nuit, sur fond de musique électronique considérée comme musique des sphères. Disco Boy est un premier long-métrage d’un Européen cosmopolite, né en Italie et qui connaît bien la France et le Moyen-Orient. D’un côté, il y a donc Aleksei, jeune Biélorusse fuyant son pays natal à travers la Pologne et l’Allemagne pour rejoindre la France. Il est accompagné d’un ami qui pourrait être un amant. Ils ont en commun l’écoute d’une musique régnant sur beaucoup de dancefloors depuis One o One et quelques autres fleurs électro. C’est une fuite rythmée par les beats d’une fête sans début ni fin typique de la jeunesse, et qui rappelle celle de la Banana pancake trail des années 1990 menant aux Lunes de Koh Phangan ou Vang Vieng les oreilles serrées dans des écouteurs. Quelque part au Niger, Jomo, tout aussi jeune qu’Aleksei, mène une guerre de guérilla comme théorisaient les Cubains jadis, contre les multinationales exploitant la terre du pays et la polluant. Quand Aleksei arrive en France, il est seul, son ami a disparu dans un fleuve de cette Europe de l’Ouest qu’il parcourt tel un drôle de rêve. Sans papier, il s’engage dans la Légion étrangère. Évidemment, la rencontre avec Jomo se fera lors d’une mission de la France au Niger. Inutile de se creuser les méninges sur la dimension « politique » ou « engagée » du film. Il n’y en a pas. Aleksei est blanc, Jomo est noir, il y a un contexte reconnaissable Nord-Sud, et ce sont des repères autant que des leurres, une façon de ne pas perdre le spectateur dans une histoire où le plaisir réside dans les formes cinématographiques proposées, autant d’ambiances où sons et images génèrent une narration proprement lumineuse. Le personnage principal est une héroïne et c’est bien la lumière. Disco boy range Giacomo Abbruzzese dans une galaxie de cinéastes où l’on pense pour certaines séquences, à Nicolas Winding Refn, Bertrand Mandico, voire à l’Exoticad’Atom Egoyan. Une école néon-réaliste en quelque sorte. C’est un parti-pris salutaire de l’artifice et du fantasme sur le réalisme, le naturalisme et ses continuelles renaissances qui ne nous apprennent rien sur le « réel », mais appauvrissent constamment le cinéma vers le slogan social et la comédie crétinisante. Jomo veut faire la révolution et c’est pour la beauté du geste, le message se dissipe dans les poses sexy où les armes à feu et les muscles valent pour eux-mêmes. La Légion est un prétexte parfait pour entendre la langue française accentuée autrement selon les nationalités présentes, et les ordres ont quelque chose du chant. Les lasers, les halos venus d’on ne sait quel néon, imbibent le film. Les combats nocturnes au Niger donnent lieu à une séquence de bravoure en lumière infra-rouge. Les couleurs de la peau s’interprètent différemment selon le type de caméra, et le fantasme d’amour et de mort peut s’épanouir. La danse tient une place particulière. Jomo veut devenir disco boy. Aleksei adore les clubs et leur anonymat chatoyant. Une géopolitique de la nuit s’esquisse doucement dans ce film d’une homosexualité suggérée, très vintage, et qui donne au film la valeur du rêve et du souvenir.

Disco Boy. Giacomo Abbruzzese. sortie le 3 mai, KMBO

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