Dans À mon seul désir, Lucie Borleteau compose une ode à la liberté érotique, sexuelle et amoureuse.

Les corps féminins bougent, ondulent, se dénudent patiemment, enveloppés dans des lumières roses et bleues. C’est beau, sensuel, on se croirait plastiquement dans le docu sur Christophe et la photo capiteuse est signée Alexis Kavyrchine, chef op’ d’Emmanuel Finkiel, Thomas Salvador, Cédric Klapisch et… Lucie Borleteau. Avec l’étudiante Aurore (Louise Chevillotte, fine et émouvante), nous venons d’entrer pour la première fois dans un club de strip-tease, un lieu où « l’on ne rencontre jamais l’amour » nous prévient la tenancière et reine de revue (autoritaire et mystérieuse Laure Giappiconi). À mon seul désir va nous prouver le contraire. Aurore intègre le spectacle pour gagner sa vie et se lie d’amitié avec Mia (superbe Zita Henrot), strip-teaseuse plus expérimentée. Amitié qui évoluera vers… Rien de simpliste ou fleur bleue pour autant dans ce récit d’apprentissage : Mia a un copain régulier, et même un enfant : aimer plusieurs personnes est compliqué, la liberté est difficile. Lucie Borleteau tente de démêler la pelote indémêlable où s’entrecroisent le désir, les sentiments, les polyamours, la fluidité complexe, excitante et douloureuse des relations entre les êtres, quel que soit leur genre ou leur origine. Car À mon seul désir parle d’amour et d’élans, refusant la segmentation en acronymes et catégories des envies et des ondes qui peuvent attirer les humains les uns ou les unes vers l’autre.

Le contexte du club de strip-tease et la nudité fréquente des actrices pourrait laisser penser que le film de Borleteau est fait pour complaire au regard masculin-hétéro-dominant-patriarcal etc. Il me semble que l’érotisme cinématographique est chose plus complexe que le courant féministe réducteur et schématique du moment. D’une part, le strip-tease peut séduire aussi des femmes. D’autre part, les séquences de strip sont ici tellement mises en scène, théâtralisées, esthétisées par les cadres et jeux de lumières qu’elles en deviennent purs objets formels plutôt que simple machine à faire bander les mecs. Ce qui est sensuel ici, ce n’est pas tant les corps qui se dénudent que la façon dont ils sont mis en scène et filmés. Enfin, ce sont des femmes qui sont aux manettes ici (dans la fiction et sur le plateau). Et puis le film est aussi beau dans les coulisses que sur la scène du club, avec toutes ses scènes de vestiaire sororales qui rappellent Meurtre d’un bookmaker chinois (Cassavetes) ou Tournée(Amalric) plutôt que Showgirls (Verhoeven). Quant aux hommes, le film en montre divers spécimens plutôt qu’une masculinité toxique systémique, de l’amoureux jaloux au vieux réceptionniste du club jamais remis d’un chagrin d’amour, du client égoïste brutal au client délicat et amoureux, en passant par le pote complice. Je ne saurais dire si À mon seul désirest féministe (car le féminisme englobe tellement de variations et de courants parfois opposés que le terme lui-même est générique et réducteur) ni s’il mérite le tampon certifié d’Iris Brey, mais il est à coup sûr féminin – féminin et néanmoins ouvert au désir masculin, à l’hétérosexualité, aux amours saphiques, aux polyamours, aux travailleuses du sexe indépendantes, bref, grand ouvert à tous les vents de la liberté sexuelle et amoureuse. Nul besoin de rappeler qu’en nos temps suspicieux, sourcilleux, volontiers puritains, cette ouverture est infiniment précieuse.

À mon seul désir de Lucie Borleteau. Avec Louise Chevillotte, Zita Henrot, Laure Giappiconi…Pyramide Distribution. Sortie le 5 avril

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