Une Messe burlesque et irrévérencieuse est présentée à l’Athénée. Un moment de délice musical signé Jos Houben et Emily Wilson.

Qui oserait une Messe dans un gymnase ? Un gymnase d’école qui devient vide-grenier, accueillant tout un bric et broc d’objets et de vêtements, pour amateurs de tout et de rien ? 

Et qui oserait, dans ce désordre poussiéreux, enfiler un jogging, et chanter du Rossini, en revêtant, au choix, un haut-de-forme ou un abat-jour sur la tête ? Et tout cela dans un impeccable latin ? 

Jos Houben et Emily Wilson sont capables de penser un tel spectacle. Capables de transformer une messe en forme lyrique, que l’on n’oserait appeler opéra, mais qui en a quelques-uns des attributs, le burlesque en plus. Il a été créé en 2019 à l’Opéra de Rennes, et s’intitule sobrement La Petite Messe solennelle, de Rossini. Il n’y aura pourtant sur scène rien de solennelle, c’est peut-être même l’inverse auquel on assistera : la descente du sacré dans le prosaïque. Et ce avec une concupiscence assumée des metteurs en scène britanniques.

 Qui a suivi ces artistes de plus en plus présents sur les scènes françaises depuis quelques années, sait la drôlerie et la virtuosité qu’ils sont capables de conjuguer. Ainsi, nous les savions capables de ressusciter une forme oubliée, « le masque », dans Cupid and Death, le formidable spectacle orchestré par Sébastien Daucé présenté déjà à l’Athénée. Ils sont aussi des habitués de l’Opéra Comique, y ayant notamment mis en scène La Princesse légère.  Cette fois, ils relèvent un défi autre, et offrent un spectacle qui se revendique autant de Jacques Tati que de la musique sacrée. Les gestes, les mimiques des acteurs s’échappent de la musique pour rejoindre les Buster Keaton et autres mimes mystérieux.  Une performance pensée pour mettre en valeur le chœur. Ce chœur de chambre Mélisme (s) dont chaque chanteur trouve un moment d’apothéose. Un trio de sopranos en manteaux de fourrure cède la place à un chanteur debout sur une chaise. Les moments de chœur sont peut-être parmi les plus beaux, et les plus frappants. Et peu à peu, le décor qui les entoure révèle sa signification ironique : jouant parmi ces objets de brocante sur l’idée d’une musique classique désuète, ils en révèlent la vitalité.  Car dans cette approche ludique et triviale de cette courte forme de Rossini, la souplesse, les nuances de la musique sont saisissantes. Les metteurs en scène précisent dans le dossier de présentation que cette messe de Rossini a été créée en 1864 dans l’intimité d’une chapelle d’un hôtel particulier, pour un couple. Et que c’est bien là ce qu’ils ont voulu retrouver. Toujours chez Rossini, ce sens du jeu, et de la joie qui perdure, cette humanité à fleur de peau, même dans la musique sacrée. Houben et Wilson se placent là dans une belle lignée. 

La Petite Messe solennelle de Rossini. Mise en scène Jos Houben et Emily Wilson. Interprétation, Chœur de chambre Mélisme (s), direction musicale Gildas Pungier. Théâtre de l’Athénée, Louis Jouvet, du 23 mars au 1er avril.