Au TGP, Émilie Capliez s’empare de l’hymne au cinéma féminin, qu’elle a commandé à l’écrivain Pauline Peyrade. 

Une image en surimpression s’accroche à nos rétines. Une femme en maillot de bain blanc traverse le fond de scène, prend la pause avant de continuer sa route en coulisses. Boudeuse, mélancolique, évaporée, elle change d’attitude à chaque passage. Bimbo peroxydée, jeune fille errante au bord d’une piscine, épouse confrontée à la jalousie, elle semble se fondre dans un décor en cinémascope, fusionner avec d’autres figures, revivre des scènes déjà gravées sur pellicule. Comment ne pas penser au dernier film inachevé de Marilyn Monroe, Something Got to Give 

Saisissant une réplique, un dialogue, de certains films cultes, compilant extraits d’archives, séquences culte de longs métrages, Pauline Peyrade imagine une épopée où se succèdent paroles d’actrices parlant d’elle, de leurs rôles, de leurs métiers.  Pas de trame au sens littéral, mais une histoire plurielle, une évocation théâtrale du 7e art réinventé par des icônes comme Delphine Seyrig, des militantes comme Adèle Haenel, des femmes de l’ombre, comme Chantal Akerman. La matière est dense, hyper-référencée jusqu’au vertige. Émilie Capliez s’en empare avec gourmandise, ingéniosité. Elle ne cherche pas à reproduire, mais bien à engendrer de nouvelles formes, à construire d’autres souvenirs, à décaler le regard du spectateur vers une mémoire du cinéma au féminin. 

Plongeant la tête la première pour rejoindre ces Femmes qui nagent, le public se laisse emporter par ce flot ininterrompu d’images, certaines sont facilement reconnaissables, d’autres n’évoquent aucune réminiscence. Peu importe. Le propos est dans les interstices, dans les non-dits, dans les prises de paroles, dans le jeu de ces quatre comédiennes d’âge et d’horizon très différents. Odja Llorca, Catherine Morlot, Alma Palacios, en alternance avec Louise Chevillotte et Léa Sery, font de ces instants croisés dans le hall d’un cinéma un peu décati imaginé par Alban Ho Van, un récit où se construisent de nouveaux mythes, loin de l’obscur objet du désir. 

Des femmes qui nagent de Pauline Peyrade. Mise en scène d’Émilie Capliez. Théâtre Gérard Philipe – Centre dramatique national de Saint-Denis, du 8 au 19 mars.