Ça s’est déhanché grave au festival Everybody du Carreau du Temple, avec le Collectif Ouinch Ouinch qui a fait danser le public sur son Happy Hype.

L’artistique ça a souvent du flou ou du flux, et parfois du fluxus ou du flop. Et désormais, ça peut avoir du ouinch. En double. Le ouinch, ça ne laisse aucun doute sur ce que c’est et ce qu’ils sont les Ouinch Ouinch : « La présence ouinch est une présence bouffonne, malicieusement stupide, explicitement expressive et aux aguets », disent-ils. Et on voudrait répondre : « Ouinch, ouinch, camarades ! » Ça ouinche en mode house, rap, électro ou ouinch-tage, à moins que la musique connaisse déjà son ouinch-style grâce à DJ Mulah et ses platines. Avant eux, les dadaïstes avaient inventé eux aussi un univers artistique en dédoublant une syllabe, et on pourrait inclure dans ce groupe le Gaga, style en effet assez dingue inventé par Ohad Naharin, le pape de la danse contemporaine en Israël. Les Ouinch Ouinch viennent de Lausanne et dansent sur les rythmes de Mulah qui n’est pas sans rappeler Lady Gaga, blonde et toute de noir vêtue, s’agitant derrière ses platines ou carrément sur la piste de danse, en se mêlant aux ouincheurs. Sans doute la répétition du Ouinch-word vient-elle de leur esprit carnavalesque qui va jusqu’à arroser le public de confetti et de bonbons en plein Happy Hype : « Nous travaillons beaucoup en nous copiant et en nous encourageant. Nous travaillons la spontanéité. Nous travaillons dans la joie et dans le jeu », déclarent-ils. Par ailleurs, c’est quelle langue, « ouinch » ? Dans la playlist de Mulah, dans un esprit Voguing et en mode happy house, il y a de l’anglais et du français, du dernier cri et de l’ironie, et un « Inna de ghetto » peut se mêler à une version funky de « Sur le pont d’Avignon… ».

L’énergie y est, totalement. La folie aussi. Pour le festival Everybody, le spectacle commença dans la rue, devant le Carreau du Temple où ils portèrent déjà leurs chapeaux couleurs flashy, leurs perruques, leurs longs jupons transparents en dentelle noire et tous les autres inénarrables accoutrements. Sur la piste de danse, démonstration fut faite qu’autant de textiles n’empêchent nullement de danser en mode trans(e). Leurs voix aiguës comme dans un dessin animé ne semblent connaître qu’un seul son : « ouinch ouinch ». Un chant d’oiseau, sans doute. Mais qui sont-ils et surtout, le Ouinch a-t-il un sexe ? Elie, Marius, Collin, Karine, Adél et Simon savent jouer avec l’énergie que procure le fait de se libérer de choses les inspirant aussi peu qu’une identité binaire : « Nous travaillons à la construction d’images qui servent les causes qui nous sont proches ; celles du féminisme, des luttes anti-racistes et des luttes LGBTQI+ ». Elles et ils traversent les frontières en dansant dans un esprit shamanique et house à la fois. Ce qui inclut une sensualité survoltée, dans la joie et dans le hype. Aussi, malgré leur lutte contre les définitions restrictives, la ouinchitude n’a aucun mal à se dé-finir dans une énergie toujours renouvelée. Et si les deux fondateurs, Karine Dahouindji et Marius Barthaux se sont rencontrés à la Haute école des arts de la scène de Lausanne (La Manufacture), la première a étudié la danse au Conservatoire de Nîmes et à Angers et le second a également à son actif l’Ecole Nationale Supérieure de Paysagisme de Versailles. D’où leurs costumes enivrants comme des jardins luxuriants ? Alors, répétons : « La présence ouinch est une présence bouffonne, malicieusement stupide. » Et vive le kitsch ! Pardon, le ouinch ! Lequel, visiblement, est un esprit dionysiaque dont la langue doit être : le suisse ! 

Festival Everybody. Le Carreau du Temple. Jusqu’au 21 février, www.lecarreaudutemple.eu