La 33ème édition du festival Présences vient de s’achever à Radio France. Ce fut une nouvelle fois l’occasion de découvrir à quel point la musique contemporaine se déploie, du symphonique à l’expérimental.

Elle était sur tous les fronts ; Unsuk Chin, frêle silhouette vêtue de noire, est passée de scène en scène pour faire vivre les concerts qui se sont succédés du 7 au 12 février à Radio France. 

Car la fragilité de la compositrice coréenne n’est que d’apparence : il suffit d’entendre l’une des créations qu’elle a offertes au festival en tant qu’invité d’honneur, pour prendre la mesure de la puissance de sa musique. Ainsi l’extraordinaire Eclat de silence qu’elle offrit dans un concert spectaculaire le vendredi 10 février au violoniste Leonidas Kavakos, et dirigé par Kent Nagano.  La compositrice s’était promis de n’écrire qu’un seul concerto par instrument, mais pour Kavakos, elle a écrit ce second concerto pour violon. Une furie virtuose interprétée par le violoniste et l’Orchestre Philharmonique de Radio France, qui offrit ses finesses, et son enchantement au public de Radio France. Car la virtuosité pour Unsuk Chin s’avère là ouverture sur un voyage grandiose qui s’achève au cœur d’une phrase, de manière éblouissante.

Jeux de mots

 Autre création frappante d’Unsuk Chin, Akrostichon-Wortspiel ( Seven Scenes from fairy tales) fut donné le lendemain. Nous sommes dans le jeu, de mots comme l’annonce le titre, et bien sûr de musique. Ce morceau de seize minutes a permis à la soprano Sophia Körber une prouesse vocale stupéfiante. Passant de l’alphabet aux sonorités enfantines, ces sept morceaux se répondent et s’entrechoquent de bout en bout, dans un impeccable système de correspondances. On sent particulièrement l’empreinte de Ligeti dans ce morceau vocal d’Unsuk Chin (il fut son professeur à l’académie de musique de Hambourg dans les années 80 ). 

Nul hasard donc que cette création eut lieu au cours du concert intitulé Aventures et Nouvelles Aventures, d’après le morceau de Ligeti du même nom. Nous étions dans un voyage aussi « Chinien » que « Ligetien », au cœur même de l’expérience, et de sa transmission. Et celle-ci ne s’arrêtait pas à Unsuk Chin : au cours de ce concert, un jeune compositeur nous a marqué, Artur Akshelyan. Son Anthos pour 8 musiciens, commande de Radio France s’est avérée fluide et très articulée, recherchant ouvertement l’émotion, tout en n’hésitant pas à intégrer des sonorités de pochettes en plastique aux instruments. 

Ce fil ludique et théâtral du concert s’est imposé grâce à la performance de l’ensemble Maja, et de sa cheffe, et pianiste, Bianca Chillemi. Ce fut surtout lors de la dernière partie, pour l’interprétation d’Aventures et nouvelles aventures de Ligeti, que son rôle se corsa. Que dire de cette pièce, sinon qu’elle requiert un sacré sens de la dramaturgie et du rythme ? Trois chanteurs, aussi doués en grognements, gloussements, borborygmes, qu’en gesticulations et mimes, de purs acteurs de slapsticks et chanteurs contemporains, étaient accompagnés de quelques instruments, et d’un personnage muet et fantasque intervenant par sons et gestes. L’instant des mégaphones marqua une rupture, je ne vous en dis pas plus, sinon que l’on ria franchement dans la salle, et parmi le public enfantin, rare mais ravi. L’ambiance était donc aussi joyeuse qu’expérimentale au cours de ce concert du 11, comme une réponse au grandiose de la veille. Deux voies réaffirmées par la musique contemporaine, qui nous firent presque oublier que le concert suivant, grand-messe devant être dirigée par François-Xavier Roth et marquer deux nouvelles créations d’Unsuk Chin, était annulé, pour cause de grève.