Ce premier film roumain documente les espoirs brisés d’une jeunesse qui sous Ceaucescu écoutait clandestinement une célèbre émission radiophonique de rock. 

Ce premier long métrage d’un ancien script de Cristian Mungiu emprunte son titre à une émission pirate de rock qu’écoutaient clandestinement les adolescents au début des années soixante-dix en Roumanie sous Ceausescu. Alexandru Belc revient sur cette période où ces jeunes gens se regroupaient afin de s’enivrer ensemble et en douce des mélopées des Moody Blues. Belc veut d’abord filmer au présent les espoirs de cette jeunesse puis documenter de quelles façons ils ont été par la suite détruits. Pour en rendre compte, il organise son film en deux parties dissemblables, d’abord la fête puis l’enquête des autorités sur eux. Pour mieux faire ressentir le gâchis de ces existences brisées dans leur élan, Belc filme la première partie comme un documentaire in situ. Il plonge dans la fête caméra au poing, suivant dans de longs mouvements qui tanguent le déhanché des danses, les empoignades sensuelles des corps, la volupté des baisers. Sous une lumière opaque, comme construite sur un écran de fumée, il envisage le cinéma comme un bain de jouvence haptique permettant de retrouver les sensations des premiers émois de désir et de danger. Il bâtit ses frêles héros en figures romantiques, à l’image de la belle Ana, 17 ans, cheveux longs et bruns, regard noir d’une héroïne de roman russe et qui se meurt d’amour pour un garçon se donnant des airs taciturnes et méprisants. Belc change de braquet à 180° au cours d’une descente de police musclée. Ana se retrouve acculée devant le chef de la Securitate. Pour montrer de quelle manière les autorités réussissaient à les compromettre afin qu’ils se dénoncent entre eux – et dans le plus grand secret, Belc s’est servi de la lecture de manuels de la Securitate où l’on enseignait l’art délicat de la manipulation. Il filme ces interrogatoires en axes fixes et en champs contre champs dans des plans de plus en plus resserrés sur la chair diaphane juvénile, au cours de longues séquences où l’agent alterne le froid et le chaud, la douceur et l’ignominie. Cherchant à sauver leurs progénitures, les parents à leur tour, aussi progressistes se croient-ils, les sermonnent pour qu’ils acceptent toutes les compromissions. Par cette attention scrupuleuse à recueillir les différentes paroles insidieuses exercées par les adultes, par sa manière d’alterner plans moyens du décorum étatique et gros plans sur les visages, Belc montre comment les mots pénètrent la chair et dévoient les paroles rocks libertaires en injonctions afin de transformer les doux rêveurs en espions froids au service de l’État. Impossible de ne pas songer à La colonie pénitentiaire de Kafka avec ce film délicat et brutal comme un poison. 

Radio Metronom d’Alexandru Belc. Pyramide. Sortie le 4 janvier. Découvrez la bande annonce du film en suivant ce lien.