Une fascinante  exposition à la Cité de l’architecture illustre les puissants échanges esthétiques entre la France et les États-Unis des années 30.

L’exposition débute réellement devant le Palais de Chaillot, monument caractéristique de l’architecture Art déco. Composée d’une immense rotonde flanquée de deux tours et de deux grandes ailes curvilignes, son style éclectique pensé pour l’exposition universelle de 1878 paraît désuet dans les années 1930. Pour l’Exposition Universelle de 1937, l’Etat fait ainsi appel à l’architecte Jacques Carlu de retour des États-Unis. Il dessine le futur Palais de Chaillot dans le style qui marqua la dernière décennie : l’Art déco. Les lignes claires remplacent les lignes circulaires tandis que s’impose la monumentalité du vocabulaire classique moderne. L’exposition de la Cité de l’Architecture raconte cette époque où ce style apparut en France, voyagea jusqu’aux États-Unis, faisant de nombreux émules dans tous les domaines de la création, pour revenir en France. La scénographie se veut didactique, soulignant les liens qui unirent les deux nations et dont la Statue de la Liberté offerte par la France en est le symbole. Cette proximité se traduit aussi dans les relations qu’entretiennent les architectes de part et d’autre de l’Atlantique. Les Américains se forment en France, l’enseignement aux États-Unis s’inspire des écoles des Beaux-arts françaises. Tandis que les architectes d’ici, tel Jacques Carlu, s’installent outre-Atlantique et participent à l’édification de la nouvelle esthétique américaine. 

L’exposition internationale des Arts décoratifs et industriels de 1925 à Paris marque le début de ces échanges. Si les Américains n’y possèdent pas de pavillon, une délégation d’une centaine de ses membres y puisent des idées dans le style Art déco et produiront ensuite des expositions à travers les États-Unis. Dans les salles suivantes de la Cité de l’Architecture se déploient des ensembles. L’un est dédié à l’Ambassade du Mexique dans le 16e arrondissement de Paris investie par les peintures murales allégoriques d’Angel Zàrraga inspirées du Paris des années folles. Le suivant présente les gratte-ciel emblématiques de l’époque ainsi que les Paquebots Le Normandie et Île de France, symboles d’un art du voyage à la française. La suite de l’exposition se concentre sur la diffusion de l’Art déco en Amérique du Nord à partir de 1926. Tous les domaines de création sont touchés, tels les arts de la table ou la mode. Le dessinateur Paul Iribe, dont sont présentées des encres, apporte la modernité de l’Art déco au cinéma en dirigeant artistiquement de grands péplums dont Les Dix commandements. Avec la société de consommation, une multitude d’objets ancrent définitivement ce style dans le quotidien des Américains : pipes, appareils photos, fers à repasser, aspirateurs Electrolux, caravane Airstream, micros. La dernière partie de l’exposition se focalise ainsi sur ces objets de design aux lignes claires, géométriques révélant une fascination pour la modernité. Tandis qu’un nouveau sous-genre aux formes simplifiées, le Tropical Deco, naît sur la côte Ouest des États-Unis dans le cadre de la reconstruction de la ville de Miami dévastée par l’ouragan de 1926.

Art déco, France / Amérique du Nord. Cité de l’architecture et du patrimoine. Jusqu’au 6 mars 2023.