Au Théâtre de la Colline, la pièce Gretel, Hansel et les autres offre à tous les publics un hymne à l’imaginaire.
Ce que j’aime dans le conte, c’est qu’il soit un conte. Un lieu où le merveilleux domine. Bruno Bettelheim ne s’y est pas trompé, le conte est le miroir du « tumulte intérieur » qui anime notre esprit, « et la manière de nous mettre en paix avec lui, et le monde extérieur » écrivait-il dans La Psychanalyse des contes de fées. Le conte invite bien des enfants à une épreuve initiatique : le passage par la peur, la confrontation à la difformité du monde, et le retour à l’ordre. Le genre de voyage que seul l’imaginaire peut offrir.
Or, l’imaginaire a mauvaise presse ces derniers temps. Si souvent, dans le théâtre jeune public, le conte est devenu prétexte pour dire d’incontestable vérité d’époque, et l’on se donne un mal fou pour tordre la vieille branche du conte et le rapprocher de la réalité immédiate. Dans ces « relectures », les contes ne deviennent que les adjuvants d’une enième tentative d’éducation des enfants, où Blanche-Neige et le Chaperon rouge se métamorphosent en institutrices dispensant un supplément moral pour enfants déjà assaillis de leçons.
Mais heureusement, sont arrivés Igor Mendjisky et sa bande. Leur Gretel, Hansel et les autres s’avère une ode à l’imaginaire, drôle et virulente. Une invitation à la liberté.
Ainsi, des parents. On les découvre dans la chambre des enfants, ils sont fatigués, il est tard, ils veulent que les enfants se couchent. Mais voilà, les enfants réclament une histoire. Les parents cèdent, ce sera Hansel et Gretel. Enfin plutôt, Gretel, Hansel et les autres. Et nos trois acteurs, impeccables Esther Van Den Driessche, Sylvain Debry et Igor Mendjisky, entrent dans une succession de saynètes et de métamorphoses qui nous tiendra plus d’une heure durant, au fil de leur mystérieux récit. Alternant théâtre physique, théâtre d’ombres, théâtre d’objets et vidéos, la pièce nous invite à pénétrer un village triste, où le goût et l’odorat ne sont plus accessibles. Gretel et Hansel s’enfuient donc pour échapper à la morosité, et explorer la forêt dans laquelle plus personne n’ose pénétrer. Dotés d’un talent d’imitation et de grotesque imparable, les trois acteurs jouent tour à tour un vieux policier moustachu à la Columbo, une institutrice en mal d’amour, un bibliothécaire affligé d’un défaut de prononciation assez comique, ou une maire de village au bord de l’hystérie. Tous partent à la recherche des deux enfants dont on suit l’épopée grâce aux dessins délicats et brumeux qui se succèdent à l’écran. Que découvriront-ils dans la forêt ? Peut-être pas une dangereuse sorcière, mais plutôt un monde délaissé, des licornes et des maisons en pâte à chou, et un monde imaginaire en mal de reconnaissance. Univers merveilleux auquel cette pièce, à mi-chemin du burlesque et du poétique, rend hommage.
Gretel, Hansel et les autres, texte et mise en scène d’Igor Mendjisky, à partir de 7 ans, Théâtre de la Colline, jusqu’au 17 décembre.