Quatorze artistes explorent avec brio la relation de l’homme avec la nature à la Fondation Vincent Van Gogh.

La Fondation Vincent Van Gogh nous a habitués à des expositions de qualité mettant en valeur – et cela mérite d’être souligné – non pas une thématique tendance dans laquelle on tente de rassembler des artistes, mais des singularités créatives au bénéfice d’une vision, d’une réflexion. Pourtant, au vu du thème par trop rabâché choisi cette fois-ci, l’écueil semblait prévisible : encore une exposition autour de la nature et de l’urgence écologique… Il n’en est heureusement rien grâce à une sélection dénuée de moralisation et de culpabilisation. Nous sommes ici du côté de l’émotion, « des sentiments premiers, l’empathie, l’angoisse, la mélancolie, le rêve, la compassion… », souligne la commissaire Julia Marchand, observant que l’éco-anxiété, sentiment nouveau de nos sociétés contemporaines, traverse en filigrane l’ensemble des salles. On la ressent dans les quatre toiles de Gilles Aillaud mettant en scène des animaux solitaires piégés dans des architectures de parcs zoologiques. La détresse animale faisant ici singulièrement écho à notre condition actuelle d’humains enfermés dans des villes sans nature. On regarde avec une inquiétude primordiale ces grands paysages cloisonnés où la figuration se frotte à l’abstraction. L’angoisse devient prégnante dans les dérivations colorées de l’Américaine Shara Hughes. Fantasmagories psychédéliques aux couleurs acides, s’échappant vers le fluo, territoires néosymbolistes, où l’on se prend à repenser à Munch et Odilon Redon. Le désenchantement y dégouline, avec une décomplexion désarmante, celui-là même qui a peut-être nourri les songes d’une jeune génération de peintres. L’intérêt réside dans la confrontation de cette nouvelle peinture avec celle de Luigi Zuccheri, artiste italien actif dans les années 1950, ici sorti de l’oubli pour son approche vernaculaire de paysages terreux. Aucune cohérence au premier abord, si ce n’est le passage du temps, du règne de la nature à celui l’artificialité, celui d’une génération à une autre aussi. Le jeune prodige anglais Ed Atkins revisite les chaussures de Van Gogh, l’aîné d’entre tous, présent dans l’exposition avec des arbres peints en 1887, d’une farouche beauté saturée de vert. Cela aurait pu être aussi la grâce déclinante de ses tournesols. 

Plus on avance dans l’exposition, plus l’anti-idéalisme pointe, que ce soit dans le délicat récit photographique de Jochen Lempert qui joue des ombres et de la lumière pour féconder des formes à la jointure du biologique et de l’humain, ou dans les grandes œuvres textiles de la nigérienne Otobong Nkanga, plus critiques, qui dessinent des cartographies dénonçant les dérives des exploitations minières en Afrique. Les sentiments de vulnérabilité et de fragilité se maintiennent, eux, dans un équilibre précaire, dans les infimes sculptures de Daniel Steegmann Mangrané. Une branche de hêtre, à moins que ce ne soit un phasme, résume notre infinie résilience qui ne tient plus qu’à un fil.

Nature humaine, humaine nature. Fondation Vincent Van Gogh Arles. Jusqu’au 10 avril 2023.

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