La jeune garde tchèque est au cœur d’une édition spéciale du festival Move au Centre Pompidou. Arts textile, plastique ou visuel, performances et chorégraphie s’entremêlent pour faire tomber la frontière entre corps individuel et corps collectif. 

Une respiration apaisée, une invitation à laisser venir vers soi sentiments et réflexions… Les installations vidéo du festival Move au niveau -1 du Centre Pompidou semblent vouloir nous sortir en douceur de l’agitation urbaine et en même temps secouer nos façons de concevoir et percevoir le corps et nos déséquilibres. Dans Half-trained Arguments de Daniela & Linda Dostálková, la contorsionniste Klára Trombiková ne cherche pas la grâce ni la beauté, mais plutôt l’absurde, manipulant des objets d’art ou du quotidien. À moins que ce soit elle qui soit la manipulée… On s’assoit donc face à une des dix vidéos, dans la douceur d’un panier-canapé, à l’origine destiné aux animaux de compagnie. Invité à adopter la position d’un chien, on regarde la circassienne devenir le dindon de sa propre farce. Et là, toute position de maître ne tient plus. 

Juste à côté, s’ouvre le monde de Julia Grybos & Barbora Zentková qui habillent des structures métalliques légères de milliers de fils de coton, teints dans des infusions de feuilles de thé. Formes circulaires et couleurs pastel produisent un effet apaisant. Sunset Sonata – une sonate pour coucher de soleil, repense là aussi notre rapport à la nature et à nous-mêmes. Les fils qui forment comme une abondante chevelure font le lien avec les tapisseries suspendues qui protègent l’espace circulaire créé par Marie Tučková dans lequel on s’assoit près du sol, sur des objets sièges en satin (créés par Flora Lechner) pour voir Polyphonic Womb, film qui part d’une rivière asséchée pour chanter en douceur un hymne à l’utérus et aux fluides du corps féminin. Placées côte à côte, ces installations posent un regard féminin, voire éco-féministe sur nos relations sociales et le corps féminin. 

De l’autre côté du grand escalier on trouve Lukáš Hofmann, un homme donc et qui plus est, le pivot de cette édition, grâce à sa présence en installation et en performance. Artiste performer mais également commissaire d’expositions, il centre ses recherches autour des fluides corporels, de la transgression des frontières entre corps et matière, entre les genres et les époques. Dans son film Sospiri, qui reprend des éléments d’une performance donnée à la Galerie Nationale de Prague, comme dans la création Incarnateprésentée en ouverture de Move, on découvre une transgression des genres, des époques et des hémisphères par un dialogue entre chants de John Dowland et rengaines pop, interprétés en live par l’ensemble multiculturel pragois, costumes en dentelle et personnages alliant culture club, Moyen Âge, romantisme etc., Hofmann en personne arborant de faux airs de Marylin Manson, jusqu’au flirt élisabéthain à la manière d’un classique de Hollywood. Alors on en convient, certaines ères lointaines et la nôtre se ressemblent bien plus qu’on ne le croyait.

Si Caroline Ferreira, directrice artistique de Move, partage la conception de cette édition spéciale avec Michal Novotný – qui dirige les collections modernes et contemporaines de la Galerie Nationale de Prague – elle présente aussi des artistes travaillant à Paris, Londres et Zurich, notamment pour les spectacles en salle. Sur scène on verra Beast! de et avec Tarek Lakhrissi : Une création entre poèmes romantiques, chant lyrique et musique électronique autour du regard européen sur les personnes de peau moins blanche et donc stigmatisées. Ensuite, rencontre toute aussi passionnante en vue avec Mandy El-Sayegh et son alchimie entre images filmées, leur transformation par l’art plastique et la présence de la danse. À couronner seulement par la sulfureuse performeuse suisse Teresa Vittucci qui crée Ride, une réflexion scénique sur la métabolisation et la cogitation, autour des figures iconiques dans l’œuvre de la cinéaste allemande Ulrike Ottinger. La plupart de ces transgressions de genre étant des commandes de Move, on peut affirmer que le festival fait respirer les membranes. 

Move, 6e édition, jusqu’au 23 oct. 2022

Les installations : 11h – 21h, tous les jours sauf mardis

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