Au Théâtre de la Ville, les débats bioéthiques s’incarnent avec force dans Zoo ou l’assassin philantrope de Vercors, mis en scène par Emmanuel Demarcy-Mota.

Assiste-t-on au procès d’un meurtrier, ou à celui d’un sauveur de l’humanité ? Avance-t-on dans une fable de science-fiction, ou fait-on face au tribunal de notre époque de confusion et de prométhéisme ? Les questions s’entremêlent et s’engendrent dans ce Zoo ou l’assassin philantrope de Vercors qu’Emmanuel Demarcy-Mota met en scène à l’Espace Cardin. Texte oublié que la troupe du Théâtre de la Ville remet au goût du jour avec l’intelligence qu’elle a déjà illustrée dans l’un de ses plus beaux succès, Rhinocéros.

 Zoo, sous-titré « comédie judiciaire, zoologique et morale » relate l’étrange procès de Douglas Tempelmore, scientifique et zoologiste.  Il a tué une créature qu’il avait conçue avec un animal, « un tropi ». Ses motivations sont apparemment obscures, mais la pièce permettra de les comprendre, et d’ouvrir le récit vers un horizon éthique. Car au début de la pièce, Tempelmore se dénonce, un procès s’enclenche, des « experts » de tous bords viennent défendre leurs arguments.  Servie par les superbes acteurs du Théâtre de la Ville- j’ai été particulièrement impressionnée par Joris Casanova qui porte l’une des scènes les plus frappantes de la pièce, celle du « langage », avec drôlerie et finesse, cette pièce nous amène à la réflexion. C’est un lieu didactique au sens positif du terme : une scène solennelle où nous sommes pris à témoin d’un dilemme intellectuel.  Dans une scénographie de clair-obscur, dont Demarcy-Mota a le secret, les personnages se succèdent, adoptant une démarche à l’orée de l’humain et de l’animal. Autour d’eux, d’étranges créatures à masques d’animaux rôdent, accentuant l’onirisme de l’ensemble. Derrière eux, la vidéo fait apparaître le visage de la victime, proche d’un enfant, assassinée. Les traits poupons agissent comme un rappel d’innocence dans ce lieu de rhétorique. N’oublie-t-on pas la créature et sa vie, dans les débats scientifiques et bioéthiques ? C’est l’une des questions que soulève ce spectacle, à la fois sombre et riche de pensée.

Zoo ou l’assassin philantrope, Vercors, mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota, Espace Cardin, jusqu’au 22 octobre.