La metteure en scène Catherine Marnas et Nuno Cardoso ont commandé à l’artiste franco-iranien Gurshad Shaheman, une nouvelle Orestie pour 12 comédiens. Rencontre avec nos nouveaux Tragiques.

Tout commence par un appel. Connaissant le travail de la directrice du TnBA, notamment au Mexique, la commissaire de la saison franco-portugaise 2022, Victoire Bidegain di Rosa souhaite proposer à l’artiste d’imaginer un projet croisé entre les deux pays. Catherine Marnas se tourne alors vers Nuno Cardoso, directeur artistique du Teatro Nacional São João de Porto, pour imaginer une mise en scène en duo. « J’ai toujours aimé partager les points de vue, les différentes manières d’aborder un texte, une dramaturgie, explique-t-elle. Cela enrichit nos pratiques, les nourrit. » Au fil des discussions, le projet se précise : « Il était important pour nous de travailler à partir d’une écriture contemporaine, de questionner en profondeur nos démocraties, dont les fondations semblent vaciller un peu partout dans le monde. En s’attaquant à L’Orestie  d’Eschyle, en réinventer la tragédie antique originelle au temps présent, il nous a semblé tenir l’amorce de quelque chose. »  Le nom de l’auteur, acteur et metteur en scène iranien Gurshad Shaheman s’est imposé. « Sur les répétitions de A Bright Room Called Day, que j’ai mis en scène en 2020, et où il jouait une sorte de double de Tony Kushner, nous avons beaucoup échangé sur son rapport au texte, sa manière de mettre des mots sur les maux de son pays l’Iran. »La commande est lancée. L’artiste franco-iranien écrit quelques feuillets avant de faire ses bagages direction Porto, où Catherine Marnas et Nuno Cardoso travaillent déjà avec les douze acteurs choisis. 

« Quand Catherine m’a appelé, explique de son côté Gurshad Shaheman, je venais de terminer un texte où je m’interrogeais sur la pertinence de monter des œuvres classiques, des tragédies antiques, de mettre en lumière les héros d’antan. Sont-ils toujours d’actualité ou n’est-t-il pas temps de les brûler pour écrire de nouveaux récits ? À travers cette provocation, je cherchais une manière de les réinventer. » Il s’empare de l’histoire d’Agamemnon, de Clytemnestre et d’Oreste, s’intéresse au sort des Troyens, garde la structure initiale de l’œuvre mais conte une autre histoire. « La pièce d’Eschyle est très patriciale, militariste, souligne-t-il. Elle est à la gloire des Grecs. J’ai donc décidé d’en prendre le contre-pied, de m’intéresser à la place des femmes, des vaincus, de mettre en exergue leurs points de vue, d’en montrer une vision moins manichéenne, plus intime, plus émotive. Ce que je n’avais pas totalement mesuré, c’est que le texte résiste, que la trame ne peut être tordue. J’ai donc gardé l’intégralité de l’intrigue, j’ai juste déplacé ma focale, rendu l’histoire des Atrides plus contemporaine, en lien avec le temps présent. » 

Enrichi des personnalités des comédiens, des retours faits par Catherine Marnas et Nuno Cardoso, sans pour autant céder aux sirènes d’une écriture au plateau, Pour que les vents se lèvent, une Orestie, s’inscrit dans une réalité guerrière proche de ce que le monde, de l’Europe à l’Afrique, vit actuellement. Ancré dans un Moyen-Orient à feu et à sang, le récit éclaire autrement le quotidien des oppresseurs, des opprimés. Une autre épopée voit le jour…

Pour que les vents se lèvent, Une Orestie de Gurshad Shaheman, Mise en scène de Nuno Cardoso et Catherine Marnas. TnBA de Bordeaux, du 4 au 8 octobre.