Ce sera l’un des grands moments de théâtre du festival Paris l’été, Le Marteau et la Faucille de Don DeLillo mis en scène par Julien Gosselin, porte au plateau les confessions intimes d’un requin de la finance et offre à Joseph Drouet, un rôle en or. 

Face au public, un homme en costume se tient seul, raide, visage fermé, sombre. Enfermé dans un décor blanc immaculé imaginé par Hubert Colas, rappelant autant un studio d’enregistrement qu’une salle d’interrogatoire, il s’apprête à confesser ses crimes. Des néons rouge sang viennent souligner la tension dramatique du moment, la profession de foi du trader repenti et mettre en exergue l’insoutenable solitude dont il est l’objet. 

Jerold Bradway est un spéculateur. Il a grandi dans un monde où l’argent coule à flots, où l’humain ne compte pas, seul le profit est important. S’amusant à acheter et revendre des sociétés sans se soucier, un seul instant, des destins brisés des employés, de l’impact sur l’environnement, il joue son existence et celles de sa femme, de ses enfants, à la bourse. Rattrapé par ses démons, ses impayés d’impôts, de pensions alimentaires, coupable de délits d’initiés, de montage financier hasardeux et de fraudes en tous jeux, l’homme chute, descend de son gratte-ciel, de son olympe, pour toucher terre, (re)devenir un mortel comme les autres. 

La réalité en pleine face, violente, crue, brutale se libère dans un flot ininterrompu de mots, sa parole introspective. Délinquant, criminel, truand, il concède tout. Sans rien omettre de ses forfaits, il condamne ses actions passées et celles de ses semblables. Emblématique d’une époque de crise financière, le texte de DeLillo, qui a été publié dans son intégralité en 2010 dans les colonnes de Libération, frappe juste et fort. Portée avec précision et fougue par le comédien virtuose, Joseph Drouet, souligné legato presto par les vidéos et les musiques technos du duo Guillaume Bachelé-Maxence Vandevelde, la nouvelle de l’écrivain américain hypnotise telle une transe dénonciatrice. 

Conçu pour être l’un des intermèdes récréatifs et respiratoires du spectacle-fleuve Joueurs, Mao II et Les Noms, créé au festival d’Avignon en 2018, Le Marteau et la faucille prend joliment son envol. Jouant d’effets sonores et visuels, resserrant sa mise en scène sur son acteur, s’amusant à surdimensionner sa voix, à conjuguer les récits en intégrant habillement les dialogues à la puissante logorrhée de son protagoniste, Julien Gosselin signe un seul-en-scène brillant et percutant. Du grand art ! 

Le Marteau et la faucille de Don DeLillo. Mise en scène de Julien Gosselin, du 26 au 28 juillet au Théâtre Paris-Villette, dans le cadre du Festival Paris l’Été