Edouard Baer, avec Adieu Paris, signe un film de copains nostalgique, grinçant et drôle. A revoire en DVD et Blu-Ray.  

Film de bande et d’acteurs, Edouard Baer se penche et s’épanche sur l’amitié avec une énergie foutraque. Un groupe de vieux copains se retrouve, comme chaque année, à La Closerie des Lilas pour célébrer l’oisiveté d’un invité qu’ils ont élu — cette année un certain Yoshi (interprété par le comédien et metteur en scène japonais Yoshi Oida — familier de Peter Brook) se voit honoré. Les retrouvailles, chargées à blanc, s’accompagnent d’embrassades avec moult saillies et force griefs lancés. Les vieilles amitiés viriles sont faites de rancœurs, de venin tout autant que d’accolades démonstratives et d’affections rentrées. Le bonheur de se revoir en éclusant son lot de verres de vin blanc ou rouge fait vite place aux bons mots, ceux qui blessent et laissent sur le carreau. Ils étaient les « rois de Paris », ils sont huit et ne sont plus à la hauteur, les années aidant. Les rôles et la persona d’acteurs tels que Benoît Poelvoorde (Benoît), Bernard Murat (Pierre-Henry), Jackie Berroyer (Alain) ou encore Daniel Prévost (Bertrand) et François Damiens (Louki) débordent souvent des limites du jeu, la confusion s’installe dans les mots et on ne sait plus qui du personnage ou du comédien s’expose le plus. Sans grande ambition formelle, Edouard Baer rend hommage à un Paris d’antan. La troupe, les trublions et fanfarons déchus, leur bruyante animation qui tourbillonne du bar à la table, des toilettes aux cuisines, de la porte-tambour à la devanture, voilà ce qui intéresse l’acteur-réalisateur. Sa présence soudaine, suivie d’une disparition tout aussi brusque, est à l’image du film : fuyante. Un Depardieu immuable, immobile, viendra, ne viendra pas ; quand Arditi cabotine, Berroyer, silencieux, tire son épingle du jeu et leur tient la dragée haute — incontestablement. Benoît Poelvoorde d’emblée exclu du groupe, sans cesse poursuivi par une Isabelle Nanty maternante, donne le change. Cinéma post-Covid qui souhaite avant tout unir, réunir des corps, rassembler des hommes, abolir les distances. Quand bien même l’esprit de bande est fait d’exclusion et de point Godwin avec un Jean-François Stévenin auquel le film est dédié qui se dessine des bacchantes de clown triste sur lesquelles tous hésitent : est-ce une image de la moustache d’Hitler ou de celle de Groucho (Marx) ? Le spectacle d’un hommage au cinéma d’hier qui virevolte et tournoie sur lui-même repose sur la volonté farouche et louable de Baer de ne pas nous raconter une histoire mais plutôt de nous convier à sa table. Festin ou agapes vaniteuses, chacun fera son choix. Le Pacte adjoint à sa version DVD, une bande annonce et une soirée d’avant-première où l’énergie domine. 

Adieu Paris de Edouard Baer, avec Pierre Arditi, Benoît Poelvoorde, Gérard Depardieu, Jackie Berroyer, Isabelle Nanty, Jean-François Stévenin, François Damiens. France. Le Pacte, sortie DVD : 1er juin 2022