Comédien et auteur hors pair, François de Brauer signe un solo hilarant et émouvant : Rencontre avec une illuminée, au Petit Saint-Martin.

C’est un homme amoureux qui nous accueille sur scène. Enfin, un homme en proie à l’amour et à ses tourments. Et chacun sait que ces tourments-là doivent se soigner, sinon ils nous mènent loin dans les abîmes, ou les cieux. Chez Brauer, ce sera l’élévation, et même, comme l’annonce le titre de son spectacle, l’illumination. Entouré de bougies qui constituent l’unique décor solennel, et comique, François De Brauer nous invite sur la scène du Petit Saint-Martin à le suivre dans son cérémonial. Un lieu d’inventivité et d’humour, sans cesse surprenant. Car le jeune homme est un comédien hors pair, et c’est avant tout sa virtuosité qui frappe lorsqu’on assiste à son dernier spectacle, Rencontre avec une illuminée.  Comme dans son précédent spectacle qui connut un grand succès, La Loi des Prodiges, il parvient, seul sur scène, à convoquer une dizaine de personnages. L’imaginaire de l’auteur s’allie à la plasticité du comédien, pour, en quelques gestes et imitations, nous inviter dans différents univers.  Ainsi apparaissent un jeune homme désœuvré, une mère artiste, un grand-père très statue du commandeur, une tante traditionnelle, un metteur en scène de théâtre débordé, une assemblée d’adolescents scouts, un acupuncteur, un ou deux spécialistes en bien être, une violoncelliste très renfermée, et, bien sûr, une illuminée. Celle-ci, même si elle n’intervient qu’au tiers du spectacle, s’avère l’héroïne de la pièce. Car ce spectacle, sous ses airs satyriques, s’avère une véritable déclaration d’amour, qui réussit à nous émouvoir, dans un final que nous ne dévoilerons pas. Oui, François de Brauer, qui excelle à l’ironie cinglante, qu’elle s’exerce contre un milieu bourgeois qu’on le soupçonne de bien connaître, ou contre les idées à la mode, de « la virilité toxique » aux cheminements vers le bien-être et autres promesses zen, ne s’abstient pas de romantisme. Et c’est bien sur le fil entre l’humour et l’amour, que ce spectacle se déploie. Ainsi, le jeune acteur au départ ne trouve pas de sujet à sa prochaine création. Ecrira-t-il sur son impossibilité à aimer ?  Il ébauche une scène surréelle où le jeune homme discute avec son sexe, et l’on découvre des accents woodyalleniens première période dans l’écriture de Brauer. Mais enfin, rien ne vient. Alors, il remonte un fil plus ténu : son rapport à Dieu. Se souvenant d’une enfance assez réfractaire au catholicisme de sa famille, le jeune François parvient à nous raconter ce qui l’a fait basculer dans la spiritualité, sa rencontre avec une « illuminée ». La jeune femme joyeuse et lumineuse, qui ne s’exprime que par métaphores naturelles ou animales, le trouve dans la rue, en proie à une crise d’angoisse. De là naît une relation qui mène François à s’initier à toutes sortes de spiritualités. Des scènes hilarantes le voient discuter de la vertu de la fève de cacao ou se livrer à d’étranges rituels de retour à l’animalité, parmi des groupes spirituels légèrement envahissants. Si Brauer touche là à un courant fort dans notre société, une nécessité de religiosité même parmi les athées, il nous raconte aussi la plus ancienne histoire du monde : un homme, sur le point de sombrer dans la tristesse, rencontre une femme, et en est sauvé. 

Rencontre avec une illuminée, de et par François de Brauer, Théâtre du Petit Saint-Martin, jusqu’au 21 mai. Plus d’infos sur www.petitstmartin.com