Après avoir publié la tribune de Wajdi Mouawad, directeur du Théâtre de la Colline, nous reproduisions ici le communiqué de presse du metteur en scène Jean-Pierre Baro.

“L’association de mon nom avec le mouvement #metoo ou à des personnes reconnues coupables de violences envers les femmes est grave et relève d’une injustice intolérable : je suis innocent.

Par cet amalgame, je suis transformé en coupable. Je prends donc la parole pour rétablir les faits car je refuse que mon nom soit instrumentalisé. Mon nom n’est pas à votre disposition.

Vous ne pouvez pas en faire ce que vous voulez.

Un combat aussi essentiel que celui de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences et toute forme de harcèlement ne saurait se passer d’une exigence de véracité des faits. Étant aujourd’hui livré à des amalgames accusateurs, je me vois ici dans l’obligation d’exposer mon intimité et les faits tels qu’ils se sont déroulés.

En septembre 2018, deux mois après ma nomination à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry, une femme avec qui je collaborais depuis huit ans a déposé plainte contre moi pour une relation que nous avions eue, un soir, en 2011.

Après un spectacle où nous étions allés ensemble, je l’ai raccompagnée chez elle en scooter à son domicile où elle m’avait invité à venir boire un verre du vin que nous avions acheté ensemble sur le chemin. Dans le salon de son appartement, nous avons eu une conversation autour de nos vies intimes. Puis nous avons eu une relation sexuelle dans sa chambre. Nous sommes ensuite retournés dans le salon, où nous avons continué à échanger avant de se quitter au petit matin.

Je n’ai ce soir-là exercé aucune forme de violence ni de pression. Cette relation je l’ai vécue comme totalement consentie. Rien, ni ce soir-là ni par la suite, ne m’a permis d’imaginer un instant qu’il put en être autrement. Ce n’est que sept ans plus tard que j’ai appris qu’elle considérait ne pas avoir désiré cette relation.

Au moment des faits, j’avais 33 ans et j’étais un metteur en scène totalement inconnu, à peine sorti de l’école. Elle avait elle-même 26 ans et travaillait dans un bureau de production comme administratrice. Nous étions deux jeunes gens à nos débuts professionnels. Il n’y avait aucune relation hiérarchique entre nous, je n’étais pas son supérieur, n’avais aucun ascendant sur elle, ni par ma position, ni par ma notoriété et, pendant 10 ans, nous avons grandi ensemble professionnellement.

Elle a travaillé au montage de toutes les productions de mes spectacles. Elle m’a accompagné dans le choix et la pensée de chacun de mes projets, juste qu’à candidater à mes côtés à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry avant de se raviser. Elle était entre temps devenue la directrice du bureau de production qui s’occupait de ma compagnie.

Je l’ai, tout au long de notre collaboration, toujours considérée et appréciée car nous étions dans un dialogue constant auquel elle prenait part avec détermination. L’annonce du dépôt de sa plainte m’a stupéfait d’autant que nous avions continué à travailler en parfaite harmonie.

Suite à cette plainte, j’ai été placé en garde à vue par les services de police. Une enquête a été menée, une confrontation organisée, des témoins entendus et j’ai fait l’objet d’une expertise psychiatrique. A l’issue, le procureur de la République a décidé de m’innocenter de l’accusation qui avait été portée contre moi. Ce n’était pas un classement d’opportunité. Pas un classement politique. Pas un classement pour prescription. Non, le dossier a été classé sans suite car les faits dénoncés n’étaient pas constitués.

En 2019, alors que l’affaire était déjà classée sans suite, une rumeur et des propos rapportés dans le blog d’un critique de théâtre a engendré un déchaînement médiatique contre moi dans une absence totale de vérification des faits et sans un minimum de travail journalistique.

Cet acharnement médiatique a abouti à ma démission de la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry. Il m’était en effet devenu impossible d’assurer ma fonction dans ces conditions.

Selon vous, que ma présence dans la saison du Théâtre national de la Colline révolte, combien d’années devrais-je passer sans exercer mon métier de metteur en scène pour purger une peine à laquelle je n’ai jamais été condamné ?

A combien d’années d’exil loin des plateaux estimez-vous ma peine ? Sur combien de partenaires souhaitez-vous encore exercer votre chantage pour me faire disparaître ?

Cessez d’exercer des pressions sur les femmes et les hommes qui croient en mon travail artistique et le partagent, au prétexte que ce serait nier la nécessité du combat pour l’égalité homme-femme et contre toutes formes de harcèlement que d’accueillir Jean-Pierre Baro.

Quiconque aurait quelque chose à me dire, à me reprocher, qu’il le fasse aujourd’hui, devant la justice et j’y répondrai. Ceci fait, je veux ensuite pouvoir travailler et présenter mes créations au public.”


Le 21 octobre 2021,

Jean-Pierre Baro