Actoral qui se déroule tous les ans, de septembre à octobre, à Marseille est un festival à part. On y croise des poètes, des plasticiens, des comédiens, des chorégraphes d’horizons divers avec des projets a priori sans relations les uns avec autres et, à chaque édition, cela fait un brassage aussi imprévu que riche. Rencontre avec son maître d’œuvre, Hubert Colas. 

Cette année, on peut y voir aussi bien Pierre Alferi que Charles Pennequin, Mohamed El Khatib et Patrick Boucheron que Miet Warlop, la compagnie espagnole El Conde de Torrefiel que Genevieve Murphy ou Kim Noble, pour en citer seulement quelques-uns. À propos d’Actoral, manifestation qui fait se croiser les arts et les écritures contemporaines, Hubert Colas son fondateur parle souvent de « rencontres » plus que d’un festival proprement dit. Lui-même dramaturge et metteur en scène, il revendique une programmation à « l’éclectisme intuitif ». « Actoral ne se construit jamais autour d’une thématique, cela enfermerait le public autant que les créateurs invités. Notre principe est d’accompagner les artistes et non d’avoir des idées à leur place. Le plus important c’est d’être à l’écoute de ce qu’ils ont à nous dire. » 

Cet effort d’écoute est essentiel pour Hubert Colas qui accueille des artistes en résidence tout au long de l’année à Montevideo, lieu qu’il dirige depuis plus de vingt ans à Marseille. À travers les projets accueillis au festival se donnent à voir, à chaque édition, des visions plurielles et souvent peu consensuelles du monde contemporain. « Il s’agit de nous libérer en apaisant le brouhaha, ce bruit de fond dans lequel nous sommes constamment immergés. Face à ça, on défend l’ouverture et la curiosité, à l’opposé du discours formaté dominant aujourd’hui dans le milieu culturel. Comment on prend du recul. Comment on recrée des zones d’étanchéité pour l’âme humaine. » 

Hubert Colas revendique autant l’interdisciplinarité que la difficulté éventuelle des œuvres programmées. En témoignent ses recherches en cours autour de Jeff Koons, pièce de Rainald Goetz, auteur invité à Actoral dans une édition précédente. Après Kolic, monologue créé en 2011, le metteur en scène se replonge dans l’écriture du dramaturge allemand profitant de l’exposition consacrée à Jeff Koons au Mucem pour présenter une quatrième étape de travail consacrée à cette œuvre. Précisons que Jeff Koons est loin d’être un texte facile, ne serait-ce que par sa construction dramaturgique quelque peu bousculée, où l’on commence par le troisième acte, pour enchaîner sur le premier acte, lequel n’est pas suivi d’un deuxième acte, etc. 

Hubert Colas : « La pièce est un puzzle. En filigrane, il y a la figure de Jeff Koons, mais il n’en est pas le sujet. Tout est vu à travers la subjectivité d’un personnage, le seul vraiment identifié, qui est l’Artiste. Par le biais d’une écriture-vision, une écriture droguée  presque, Goetz interroge l’acte artistique envisagé comme impossibilité. Comme s’il y avait une confusion entre le tableau en train de se construire et l’acte qu’il est censé représenter. C’est une œuvre complexe et assez folle. C’est pour ça que je l’aborde par étapes. Je crois que Goetz fait un peu son autoportrait dans cette pièce. Le pari, c’est de trouver comment restituer les enjeux de cette écriture aux facettes multiples dans l’espace de la scène. Je sais déjà que le spectacle final ne sera pas une mise bout à bout des épisodes présentés en amont. Tout devra être repensé en fonction d’un ensemble qui aura sa logique propre. »

Festival Actoral, du 10 septembre au 9 octobre à Marseillewww.actoral.org