Crée en France à l’Opéra National du Rhin, La Reine des neiges de Hans Abrahamsen s’avère une très belle œuvre de musique contemporaine, réinventant le mythe d’Andersen.
Il ne faut sans doute pas s’éloigner tant que ça pour éprouver le lointain. C’est du moins le sentiment qui traverse le spectateur face à l’opéra du compositeur danois Hans Abrahamsen, La Reine des neiges. Car si le conte d’Andersen peut nous être familier, l’univers fantastique et mystique que cet opéra fait naître nous invite à transformer nos perspectives. Tout d’abord par la luminosité cristalline de la musique jouée par l’orchestre en fond de scène. Abrahamsen, pour sa première incursion en territoire lyrique, a pensé l’œuvre pour mettre en valeur les voix, notamment celle de Barbara Hannigan qui a joué Gerda, jeune fille à la recherche de son ami perdu. Ici, à Strasbourg, c’est la jeune chanteuse Lauren Snouffer qui impose au fil du spectacle son timbre lumineux et candide, transmettant le désespoir, puis le courage de la jeune fille lancée dans la quête de son ami Kay. Parcours initiatique dans le Grand Nord, confrontation avec des créatures maléfiques, masculines ou féminines, et véritable hymne à la nature comme deus ex machina du monde, La Reine des neiges s’avère un enjeu de taille pour la mise en scène. Le pari est réussi, la scénographie, composée essentiellement de vidéos numériques, est splendide. Que ce soit la première apparition de la Reine des neiges en ombre blanche, le vol de Kay et de la Reine des neiges au-dessus des toits du monde ou le combat final parmi les flocons, images, musique et performance des chanteurs s’entremêlent harmonieusement.
Lorsque nous en parlons le lendemain de la générale à Strasbourg, Grégoire Pont raconte sa première réaction à l’écoute de l’opéra, « nous étions impressionnés par la beauté de la musique, mais il y a des scènes très longues, qui nous ont fait peur au départ. La première chose que l’on a faite, c’est ressentir la musique, et s’attacher la texture de l’orchestre. Pour demeurer fidèles à l’esprit mystérieux de la musique, nous avons fait beaucoup de recherches sur les costumes, les traditions nordiques, les éléments folkloriques… »
James Bonas renchérit, « pour moi, qui viens de l’Écosse du Nord, l’important était de retranscrire ce voyage dans la nuit du Grand Nord, partant du monde forestier et fleuri pour aller vers le grand désert de l’Arctique. C’est un périple, aussi métaphorique, dans lequel chacun peut se reconnaître. »
Autre contrainte, la présence du grand orchestre en fond de scène séparé d’un rideau des chanteurs : « Les chanteurs ne peuvent voir le chef d’orchestre qui est derrière eux, ils jouent très près du public, ce qui crée une forme d’intimité, théâtrale, avec les spectateurs, mais cela s’avère un défi pour eux, bien sûr ». Et particulièrement pour le chef Robert Housssart qui tient l’ensemble avec brio.
Pour faire vivre l’orchestre, les images de Grégoire Pont se métamorphosent et donnent l’élan de l’opéra, comme il l’explique : « Toutes les intentions de l’orchestre sont sur l’écran. On ne laisse jamais une image fixe, il faut que tout le temps ça vive. Les images s’enchaînent naturellement, dès le début, par exemple lorsque la reine des neiges se dissout en une nuée de flocons. » Cet univers se déploie principalement en bichromie, « Le noir est un creux, le blanc est en relief », souligne Grégoire Pont, ce qui permet de mettre en valeur les poupées fantomatiques de la dernière partie de l’opéra, menant cette Reine des neiges à l’orée du théâtre No. Nous vous le disions, cet opéra danois offre un voyage aux confins de l’inconnu.
La Reine des neiges, Hans Abrahamsen, direction musicale Robert Houssart, mise en scène James Bonas, conception vidéo, Grégoire Pont, avec Lauren Snouffer, Rachael Wilson…Opéra National du Rhin, Strasbourg, du 15 septembre au 3 octobre.
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