Le Djiboutien Abdourahman Waberi, auteur du fabuleux États-Unis d’Afrique revient avec La Divine chanson, un roman consacré à Gil Scott-Heron et raconté du point de vue d’un chat. Lyrique.

L’admiration devrait toujours avoir des manières félines : légères, inquiètes et réives à toute brusquerie. On ne s’étonnera donc pas que pour rendre hommage au fascinant Gil ScottHeron, Abdourahman A.Waberi emprunte la voix d’un chat. Plus précisément Paris, un matou roux qui en est à sa septième et dernière existence, aux côtés d’un certain Sammy Kamau-Williams, double du musicien prodige, « tour à tour pianiste solo, auteur-compositeur, poète, veilleur des consciences. La transposition ouvre la voie à toutes les libertés de la fiction, même si l’auteur revisite ouvertement la vie de l’artiste né   Chicago et disparu en 2011. Certains le décrivirent comme le Dylan noir, d’autres comme l’un des pères du rap. Seule certitude : sa grandeur passa aussi par la lutte avec ses propres démons, qui le conduisirent en prison, avant de retrouver la scène à plus de soixante ans. « L’existence et l’œuvre du barde ont été, jusqu’à ce soir, une seule et même chose : génie et folie. Côté pile : incendies et enfer. Chute et damnation. Gouffres abyssaux et démons. Côté face : illumination, musique et activisme, progéniture et coup de génie. » 
Dans le roman, Sammy est au soir de son existence, oscillant entre la vie et la mort dans un hôpital new- yorkais. Mais la vie l’emporte dans ce roman construit en volutes, au gré des souvenirs, entre les ténèbres familières et les éclats d’une lumière gagnée de haute lutte. L’écrivain rappelle le sens de la colère politique
de son modèle. Il restitue la beauté de sa présence sur scène et l’obstination de sa quête politique. Par ce
portrait de l’artiste en alchimiste, patient orpailleur de ses propres trésors, il contrecarre aussi la malveillance des rumeurs qui l’entourèrent parfois. L’épopée est spirituelle.   « Je n’ai jamais fait une grande différence entre les voyages et les livres », déclare Paris. Ici, 1e voyage se fait volontiers lyrique. Puissamment nostalgique, il est aussi éclairé par un humour délesté de toute pesanteur. Distance féline oblige.

La Divine chanson, Abdourahman Waberi, Zulma