Pour sa réouverture, l’Opéra Comique présente un Orfeo qui permet à Jordi Savall et aux chanteurs de livrer une très belle interprétation de l’opéra de Monteverdi. 

Nous sortons peut-être, du moins pour un temps, des Enfers de la pandémie, alors, à la manière d’Orphée, suivons la musique.

 Qu’est-ce qu’Orfeo ? Des jeunes gens qui s’amusent, puis la mort qui survient, un marié qui se retrouve seul, et refuse la mort de celle qu’il aime. C’est cette simple histoire que nous fait vivre ce dernier Orfeo dirigé par Jordi Savall et mis en scène par Pauline Bayle : non plus un mythe magnifié, mille fois réinventé, mais le pur désespoir d’un jeune homme. Ovide et Monteverdi peuvent dormir tranquille, cette fois Orphée est Orphée, et la musique est au centre de l’opéra. Nul costume de berger, décor bucolique ou enfer bouillonnant donc, nulle relecture subversive ou singulière du mythe, cet Orfeo prend le parti de la spontanéité dépouillée du récit. 

Et cette simplicité ne va bien sûr pas contre la nature même de l’Orfeo de Monteverdi, premier opéra de l’histoire dit-on, qui s’avère sans nul doute l’opéra du deuil. Ce passage de la joie d’ouverture de l’Acte I, portée par les jeunes chœurs, à la descente aux enfers d’Orphée à l’Acte III se fonde, musicalement, et viscéralement, sur la brutalité de la perte d’un être cher, dans la fleur de l’âge. Et c’est bien cette dernière expression que Pauline Bayle a pris à la lettre dans l’Acte I : les jeunes chanteurs du chœur arrivent portant fleurs à la main, créant eux-mêmes le décor, simplissime, des noces, bientôt tragiques, du jeune couple. La joie portée par la musique est ici incarnée par le chœur et les chanteurs, qui, au gré d’une lâche chorégraphie, font preuve d’un naturel dans leur joie, leurs gestes, donnant le véritable sentiment d’une fête entre amis.

Puis survient le drame, la subite solitude d’Orphée. Les trois derniers actes, la descente aux enfers, l’intervention de Proserpine, puis l’arrivée d’Apollon, subjuguent. Charon, entouré de deux étranges créatures, est magistralement interprété par Salvo Vitale dont la voix de basse insuffle une aura profondément dramatique à l’ensemble de la scène. La découverte des Enfers, sombre forêt habitée par un peuple chauve, permet alors d’entrer dans cette fantasmagorie noire.

Mais parlons des chanteurs, ils portent superbement cette production. 

Ainsi Marianne Beate Kielland, apparaissant deux fois : la première en Espérance qui mène Orphée aux portes des enfers, la seconde en Proserpine qui de sa haute taille et de la profondeur de son chant tient les spectateurs à son souffle. 

Et bien sûr Marc Mauillon. Il offre à Orphée, ce rôle au long cours, une présence, une juvénile profondeur, inouïes. Il n’est en pas à son premier Orphée : ce grand chanteur de baroque, endossait, il y a quelques années, le rôle à l’opéra de Dijon. Aujourd’hui encore, il triomphe.

Enfin, le maître ; Jordi Savall. Peut-être est-ce lui le personnage central de cet Orfeo musique qu’il connaît si bien qu’il semble la porter sur ses épaules, menant l’Orchestre du Concert des Nations de ses gestes précis. Et il nous rappelle que l’Orfeo est, avant toute chose, un opéra sur le pouvoir de la musique, face à la mort. Oui, nous y sommes. 

A l’Opéra Comique, du 4 au 10 juin. Plus d’informations en suivant ce lien.