C’est une des jeunes plumes les plus prometteuses du théâtre contemporain : Simon Falguières publie aujourd’hui Les Étoiles, la pièce devait être créée au Théâtre de la Colline en novembre..

Les Étoiles s’ouvre comme un conte, raconté par son anti-héros, Ezra, un poète devenu vieux, dont l’histoire commence par la mort de sa mère adorée lorsqu’il était enfant. Une mort à laquelle les adultes qui vivent avec lui font face. Chacun à leur manière. Pierre son père plante jonquilles et pivoines autour de la tombe, Jean l’oncle un peu simplet confectionne le cercueil et des figurines de bois qu’il peint avec de la gouache et du charbon. Mais Ezra, lui ne trouve pas les mots pour dire adieu à sa mère. Deux marionnettes qu’il a confectionnées surgissent à son secours, Kowagountata Papo « déesse de la mer chez les Indiens » et Dionysos. Maquillés grossièrement, habillés de tissus et de papiers collés à la bave, ces compères divins terriblement humains évoquent aussi bien les pantins de Pasolini dans Che cosa sono le nuvole (Les nuages, c’est quoi ?) que les marionnettes de Guignol, lorsqu’ils jouent à se fesser avec des lattes et s’insultent de manière potache. Ce sont aussi des Cassandre. Ainsi Dionysos, bien placé pour parler théâtre, annonce que le temps de cet art est révolu. Il le proclame par des répliques qui évoquent Les Géants de la Montagne de Pirandello. « Je ne suis pas passéiste, je suis mort ! (…) Où sont passés mon vieux tambour et le chien qui aboie à chaque vers ? La petite colline de l’âge d’or où les hommes et les femmes jouaient nus pour des sourires d’enfant ? »

Ces divinités sont attirantes. Ezra, comme les enfants dans Peter Pan, décide de les suivre pour vivre dans « les étoiles ». Est-il comme son oncle Jean dont la mère d’Ezra, Zocha, disait qu’« il doit confondre mer et mère, tu vois… Il pense que la mer et la mère, c’est pareil » ? Car bientôt sa chambre à coucher se transforme en mer déchaînée, son lit en radeau. Ezra échoue sur une île, connaît la violence et ses charniers, retrouve sa mère bien avant sa naissance, alors qu’elle était une fillette fuyant la guerre, son petit frère caché dans un panier d’osier… Ezra vit une odyssée onirique qui a tout du roman initiatique mais s’absente de sa vie dans laquelle il ne fait que dormir, absent à tout. Or, de l’autre côté de la porte de sa chambre, les années s’écoulent. Sarah qui l’aime attend une fille de lui, Jean découvre l’amour, Pierre qui ne supporte plus ce sommeil éternel retourne dans son pays natal, « vers le Sud ». Et tous vieillissent. Sans lui. Cette pièce scintillante, accessible et exaltée, mêle les genres avec subtilité. C’est du théâtre, c’est un conte bien sûr et c’est aussi un peu du cinéma, à travers un clin d’œil à Bergman qui apparaît à Ezra comme une sorte de magicien, capable de transformer une plage en salle de cinéma… Avec Les Étoiles, Simon Falguière montre aussi, à travers l’enfance, le pouvoir de l’imagination et ses dangers. Car prendre refuge dans un monde imaginaire pour récuser la souffrance et la confrontation au réel fait prendre l’effroyable risque de ne pas vivre sa vie. 

Les Etoiles, Simon Falguière, Actes-Sud-Papiers, 112p., 13€