Alors que les théâtres se préparaient à fermer, « Une Semaine d’art en Avignon » s’est tenue dans la Cité des Papes jusqu’au 31 octobre.  Le Jeu des ombres de Jean Bellorini y voyait le jour, à retrouver dès aujourd’hui sur le site de France Télévisions.

« Une semaine d’art en Avignon ». Ce nom, c’était celui de la première édition du Festival d’Avignon en 1947. Soixante-treize ans et une épidémie plus tard, le Festival 2020, qui devait avoir pour thème « Eros et Thanatos », n’a pas eu lieu mais Olivier Py et son équipe font vivre le théâtre dans la Cité des Papes. Malgré le couvre-feu, le temps comme suspendu d’une semaine, sept spectacles –sur les 47 prévus pour l’édition de juillet- des rencontres, des expositions et des spectacles du côté du « Off ». Pourtant les parades sont rarissimes.

Avignon sous le ciel d’automne a des allures florentines. Les rues sont vides, les terrasses fermées ou désertes. Le soir, la grande aventure consiste à descendre demander un verre de vin au bar de l’hôtel à 21h05…Une feuille jaunie tombe dans ma salade tandis que je déjeune, en manteau, place de la République… Pourtant les salles sont pleines dans les lieux comme la Collection Lambert. On peut y voir Traces, discours aux Nations africaines, mise en scène et interprétée par Etienne Minoungou. Dans ce monologue vibrant de l’économiste sénégalais Felwin Sarr, un anonyme exhorte les jeunes africains à aller de l’avant, sans rancune. C’est aussi l’épopée, lucide et dense, des Nations africaines. Etienne Minoungou a choisi la simplicité pour la mettre en scène. Elle lui permet de déployer ses talents d’orateur, et ceux du merveilleux Simon Winse, qui l’accompagne au chant, à la kora, l’arc à bouche et la flûte. La petite histoire rencontre la grande pour raconter la spoliation des richesses, les guerres.

L’avenir doit aussi passer par un changement lexical. « Comment peut-on dire d’un pays qu’il est sous développé ? » s’indigne Etienne Minoungou dans ce beau moment de réflexion et de partage.  Le Jeu des ombres par Jean Bellorini voit enfin le jour. C’est sublime. Le talent de Bellorini apporte à Novarina une grâce et une mélancolie jamais atteintes. Dans le « Off », le Chêne Noir propose une belle mise en scène de Julien Gelas. Ce dernier, également compositeur, signe une adaptation, aussi pleine de musique, du Horla de Maupassant, qu’il associe aux nouvelles technologies. Son personnage – interprété avec brio par Damien Rémy aux faux airs de Freud – est le propriétaire d’une start-up, spécialisée en intelligence artificielle. On suit avec jubilation et inquiétude cet homme qui plonge dans la folie, entre rêve et réalité. « Nous sommes faits de la même étoffe que nos songes, et notre vie infime est cernée de brouillard ». Cette réplique de Prospero trotte dans ma tête en quittant Avignon avec un grand regret, Moby Dick de la Norvégienne Yngvild Aspeli, qui devait être la surprise d’Avignon, est annulé. Un membre de l’équipe est malade… Nous sommes aussi éphémères et fragiles que cet art du présent que nous chérissons tant, qui cette semaine reste encore un phare. 

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