vivre vitePablo, Meca, Sebas et Angela : quatre mousquetaires banlieusards de l’Espagne postfranquiste, à l’orée des années 80. Amoraux, hédonistes, attachants comme un voyou à la Godard ; jeunes et beaux comme des ragazzi (et une ragazza) pasoliniens; et “vrais”, surtout, comme des héros de documentaire. Car, pour tourner ce film de casses (oui, au pluriel : Vivre vite!  suit ces trois Clyde et cette Bonnie dans une surenchère de braquages, une spirale mortifère) est allé pêcher des non professionnels. Interférence supplémentaire de la fiction et de la vie: deux d’entre eux iront derrière les barreaux un peu avant la sortie du film. Lequel fera lui aussi un joli braquage, en remportant l’Ours d’or de la Berlinale en 1981. Psychanalyse en images d’une Espagne prise dans la folle accélération du consumérisme des eighties  et obéissant à l’injonction du toujours plus; paradoxe d’une société qui finit par s’autodévorer, et dont les agents de destruction sont ceux qu’elle avait relégués dans ses marges et dans ses banlieues; fable tragique et variation sur la vieille hybris des Grecs – le film est un peu tout ça à la fois. Mais, surtout, il atteste la cohérence de l’oeuvre de Saura, et de son obsession majeure, celle à laquelle il a donné une forme hybride, visuelle et musicale dans ses derniers films, comme La Jota  : l’énergie. Défi de cinéma, défi de raconteur d’histoires: comment faire passer à l’écran la vitalité des corps, la voracité des appétits, la fièvre de jouir? Vivre vite  : le titre suffit à dire que le défi est relevé, le contrat rempli.