PahokeeQuelle était l’idée de départ ?

Nous désirions filmer l’année scolaire des terminales du lycée de Pahokee avec son ensemble de traditions et de rituels. Nous nous sommes intéressés à l’école en tant qu’elle s’insère dans la société, c’est pourquoi nous n’avons jamais voulu filmer les élèves en classe par exemple. Cependant, si nous n’avions filmé que les grands événements, le film n’aurait pas fonctionné. C’est pourquoi nous avons décidé de suivre quatre lycéens avec lesquels le courant passait bien : Na’Kerria, Jocabed, Junior et BJ. Nous nous sommes installés à Pahokee pendant neuf mois, accompagnant les lycéens sept jours sur sept, avec ou sans caméra : la plupart du temps nous ne filmions pas car nous voulions avant tout établir une amitié durable avec eux.

Le film est un portrait de la jeunesse mais aussi un portrait de la ville…

À Pahokee, il y a peu d’endroits pour se divertir : il n’y a pas de cinéma, quelques restaurants peu fréquentés… Les seuls moments de liesse qui unissent toute la communauté sont les défilés, le bal de promo mais aussi les championnats de football qui ont fait la réputation de la ville. L’année de terminale encapsule tous les rêves et espoirs d’une communauté qui souhaite un meilleur avenir à sa jeunesse. À ce titre on peut dire que le film fait le portrait de toutes les communautés rurales américaines…

Pahokee est un documentaire sans voix off ou interviews…

Dans un monde saturé d’images médiatiques qui nous disent sans cesse quoi penser, il est important de laisser le spectateur réfléchir par lui-même. Nous ne voulions pas répondre à toutes les questions pour que le spectateur puisse avoir un rôle actif, qu’il s’interroge sur ce qu’il voit. C’est pour cela que nous mettons le spectateur en face des faits, nous le guidons mais nous ne lui expliquons rien.

Nous refusions aussi de faire de la « pornographie de la pauvreté » : nous sommes allés à Pahokee pour écouter les habitants et apprendre d’eux. Nous sommes inspirés par le cinéma de Wiseman, un cinéma qui écoute, mais le nôtre est plus personnel car notre amitié avec les habitants s’est poursuivie au-delà du film.

Une image revient souvent dans le film : celle du château d’eau sur lequel est écrit en gros le nom de Pahokee…

Pahokee est une ville qui a peu de moyens et qui n’a pas de monument historique qui permettrait aux habitants de s’enorgueillir de leur ville. Le château d’eau est devenu l’emblème de la ville, un emblème humble. C’est la seule façon de promouvoir le nom de la ville, et lorsqu’on revient et qu’on la voit au loin, on ressent un pincement au coeur. Et on sait où on est.

D’Ivete Lucas et Patrick Bresnan, avec Na’Kerria Nelson, Jocabed Martinez, Junior Walker et BJ Crawford… Arizona distribution, sortie le 11 décembre