SANTIAGOAprès s’être mis tant de fois en scène, Nanni Moretti disparaît ici derrière une multitude de témoignages qui reviennent sur le coup d’Etat de Pinochet en 1973, la répression et les tortures subies avant de trouver refuge à l’ambassade d’Italie grâce au soutien des diplomates italiens. L’effacement du cinéaste vaut aussi de manière formelle : des entretiens face caméra entrecoupés par des images d’archives. Et s’il relance ses interlocuteurs (« pourquoi es-tu si ému ? »), c’est pour mieux traduire l’émotion qui d’un coup les submerge. Hormis un beau plan liminaire (Moretti de dos, face à la ville), on ne le verra qu’une fois intervenir dans le cadre, face à un bourreau aujourd’hui incarcéré. Ce regard historique sur la solidarité entre deux peuples se perçoit comme un miroir déformant de l’Italie actuelle où la politique anti-humanitaire de Matteo Salvini renvoie à un autoritarisme que l’on pensait relégué aux poubelles de l’histoire.