tannaTanna, c’est le nom d’une petite île de l’archipel de Vanuatu, située dans le sud du Pacifique près de la Calédonie. Bentley Dean et Martin Butler ont posé leur caméra durant sept mois dans ce décor idyllique, de terre battue, de végétation luxuriante et de plages noires, pour capturer le mode de vie de l’une des dernières tribus du monde. Depuis des siècles, cette population insulaire, les Yakel, vit en retrait de la société moderne et sans aucun bien matériel. Vêtus de paille et de feuilles (étui pénien pour les hommes, jupes pour les femmes), ils ne savent ni lire ni écrire et chassent toujours leur nourriture avec des arcs et des flèches. Après les documentaires Contact  (2009), centré sur une tribu aborigène face au monde moderne, et First Footprints  (2013), qui retrace la migration des premiers hommes, les deux réalisateurs franchissent ici une étape dans leur carrière. Ils signent en effet leur première fiction : l’histoire vraie de cette communauté archaïque qui fit réviser la constitution de son pays, en transformant les mariages arrangés en mariages d’amour. Le film conserve l’aspect formel du documentaire qui tente de rendre compte au plus près des faits historiques. Il nous conte ainsi les vicissitudes traversées par deux adolescents épris l’un de l’autre, soumis à la Kastom. Cette structure sociale patriarcale comprend des lois et des croyances qui imposaient notamment les mariages arrangés afin de pérenniser la culture. Le jour où Wawa, une jeune fille en plein cérémonial pour devenir une femme, remet en question les us et coutumes en décidant de rompre son mariage pour s’enfuir avec Dain, le garçon qu’elle aime, c’est le début d’une guerre de clans. Entre haine intrinsèque des uns et volonté de paix pour les autres, Dean et Butler nous plongent dans une traque funeste. Les amoureux fugitifs tentent de trouver refuge dans la forêt ou auprès des tribus avoisinantes libérées des pratiques antiques. Fatalité, amants maudits, mariages non consentis, conflits mortels et familiaux, Roméo et Juliette  irrigue l’intrigue. Si la mise en scène reste fonctionnelle – caméra à l’épaule, gros plans – avec une bande originale trop illustrative, la texture visuelle de Bentley Dean impose sa force esthétique dans ce théâtre dominé par un volcan en constante éruption. Mais l’attrait de ce drame émane surtout de son casting, porté par d’authentiques aborigènes. Mention pour le jeune couple, surtout pour la femme qui incarne à la fois l’innocence, le courage et la détermination. Qu’importent les scories dans la narration et le dénouement vite expédié qui laisse peu place à l’émotion : les réalisateurs rendent hommage à une culture tribale méconnue et à cette jeunesse sacrifiée sur l’autel des conventions, mais parvenue à faire entendre sa liberté.