Exposition Rachel Cobb, Mistral, jusqu’au 13 juillet, galerie Folia

Pour Rachel Cobb, l’appareil photo a la finesse et la sensibilité d’un anémomètre d’aviateur. Avec le sien, cette brillante photojournaliste capte les vents, souvent mauvais et gros d’orages, de l’actualité, du 11 septembre aux SDF. Mais très littéralement, sur plus de vingt ans, dans un travail de longue haleine (encore une histoire de souffle…), à l’ambition paradoxale (comment capturer l’insaisissable Eole, roi de l’évasion et du départ en coup de vent ?), elle a entrepris de photographier cette substance immatérielle mais bien sensible, cet « esprit » pour parler comme les anciens occultistes, de la Provence qu’est le mistral. Car, explique-t-elle lors du vernissage, c’est « une force qui me touche ». Et pour cause : le vent, sur ses photos, remplit le rôle de son art de prédilection, la photographie : il révèle. 

Révèle la Nature tout entière, ses arcanes, ses dynamismes, ses éléments et ses cycles. Voici un banc serti dans une gangue de glace, sculptée et solidifiée par le souffle coupant du mistral : une concrétion d’un blanc éclatant, un mixte d’eau et de lumière, comme si le vent provençal avait réuni deux des principes fondamentaux de la vie. Il y a aussi cette volée en ordre dispersé d’une myriade d’oiseaux, comme un tourbillon de corpuscules de chair et de sang, comme pour nous rappeler que l’irrépressible mouvement de la vie, son élan essentiel, repose littéralement sur du vent – cet air qui permet aux ailes de se propulser. Et ce cheval, pris en gros plan, qui ferme l’oeil, la crinière légèrement ébouriffée, comme s’il se concentrait pour ne pas perdre le moindre souffle, la moindre nuance des langues d’air qui le lèchent ou l’assaillent, ne donne-t-il pas l’impression d’absorber le mistral, de s’imprégner de son énergie ? Ne dit-on pas après tout qu’un cheval « file comme le vent » ? Avec ses photos dont le grain semble lui-même doucement brouillé, comme balayé par un dernier résidu de mistral, avec ses clichés dont la lumière a cette indécision vaporeuse, gazeuse, qui sied si bien à l’élément aérien, Rachel Cobb réussit à saisir ce que des générations de scientifiques s’efforcent en vain de traquer : la source même de la vie, de son dynamisme.