comancheriaPas questions de tricher. Ici, dans l’ouest, on respecte les règles. Le réalisateur anglais des Poings contre les murs , David Mackenzie les connaît et les applique. Comancheria , c’est le jeu préféré de tous les amateurs de polars et de westerns : la grande partie de gendarmes et voleurs, shérifs et desperados, en terres ocres de l’ouest. Soit d’un côté, deux frères, forcément dissemblables (le malin taiseux, le bavard violent), qui attaquent après le décès de leur mère les agences d’une même banque pour éviter la saisie de leur maison. De l’autre, deux flics, deux Texas Rangers, évidemment fort différents (le vieux professionnel débonnaire et rigolard, le rustre trop sérieux) qui les pourchassent à travers  la prairie. Voilà fort longtemps qu’un tel programme ne nous avait autant émus. Cela tient à la façon dont le réalisateur a d’abord de se moquer du postmodernisme qui a rendu depuis les années 90 ce genre de productions de séries B caduques, c’est-à-dire trop sérieuses ou trop parodiques. Le film se débarrasse de l’ironie comme du méta-film, de la réflexion pesante sur le cinéma (à la façon des insupportables films d’Andrew Dominik comme L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford ). Ses personnages ne sont pourtant pas nés de la dernière pluie. Ils ont bien conscience d’habiter la terre d’un vieux mythe qui n’existe plus. Les deux héros savent qu’ils vont sans doute se faire abattre, parce que cela se passe souvent comme ça dans les films. Intelligemment, Mackenzie use de de cette conscience de venir après les pionniers, pour accéder tout simplement au coeur de ses personnages, les creuser en profondeur, en alternant drame et comédie. Il bâtit de solides figures, prend le temps de les cadrer souvent en gros plans, enregistre entre deux blagues potaches, deux conversations sans intérêt, de longs silences. Mais Mackenzie ne cherche jamais à être démonstratif ou porteur de message. Son humour sans une once d’ironie lui permet de tisser des liens forts entre ces hommes. Chacun se sert de ces vannes pour se raconter des aventures inavouables, se dire à mi mot des secrets de famille, des souvenirs honteux. Enfin, après une heure et demie de course poursuite débonnaire à souhait (qui doit d’une certaine façon plus au western politique et démystifié des années 70 façon Deux hommes dans l’Ouest  de Blake Edwards ou Missouri Breaks  d’Arthur Penn), le duel final se révèle extraordinaire. Cet Anglais de Mackenzie a l’art, comme les grands maîtres américains tel Anthony Mann, de la tragédie des espaces vides. Il sait placer ses personnages dans le désert, les uns par rapport aux autres. Il réinvente le duel à l’ancienne sur des distances immenses. Chaque balle finit par faire mouche et nous toucher en plein coeur. Comancheria  retrouve la vigueur originelle des westerns.  Un délicieux bain de jouvence.