gaz de franceEn bon politique, le conseiller de Bird, président de la République (Philippe Katerine), n’a que le sens à la bouche. Donner du sens est son obsession. Dispenser du sens à une société qui parait-il en manque. On connait la chanson, à quoi une fiction de cinéma pourrait opposer des airs contestataires, parodiques, paillards, et ce serait du sens encore. Inversé, mais du sens. La ritournelle du négatif répondrait aux refrains du oui ; tout cela composant l’hymne officiel du statu quo général.

Comment s’extirper de cette boucle ? Comment ne pas rejouer l’air partout entendu ? En déjouant. Gaz de France  déjoue avec une admirable rigueur. S’applique, avec abnégation à ce que rien de ce qui est entrepris n’aboutisse. Du panel de Français rassemblé par ledit conseiller dans les caves de l’Elysée pour mettre au point une fiction médiatique propre à redresser la côte du Président statutairement impopulaire, il ne sortira rien, sinon une molle élucubration sans suite sur la supposée relation de Bird avec un enfant.

Comme ledit conseiller parle de « scénario », il n’est pas interdit de voir dans cette équipe de story-tellers un de ces pools de scénaristes formé par les boites de productions pour accoucher d’histoires attrape-public, et dans sa piteuse improductivité une adresse feutrée de Forgeard à son spectateur : sachez, braves gens, que dans le sous-sol du cinéma, on ne procède pas ainsi. On ne fait ni dans le sens, ni dans le scénario, qui partout ailleurs font alliance. Pour tout dire on ne sait pas bien où on va, et l’on s’applique méticuleusement à ne pas le savoir. Afin d’être bien certain d’aller nulle part.

Gaz de France  est une fantaisie austère qui arbore, non sans une réjouissante morgue, son absence de programme. Pour achever d’assumer à la règle d’or qui veut qu’un film mène quelque part, le cinéaste s’est donné le rôle d’une créature de génie imaginée par un neurologue illuminé, et qui, chargée de concevoir LE programme politique qui nous sauvera, commence par attribuer à chacun des survivants des noms de pâtisserie (pour casser les assignations de genre, précise-t-il) : toi ce sera Forêt noire, toi Paris- Brest. Et toi là-bas ce sera Flan. D’ailleurs moi c’est Pithiviers. Et ce sera tout. Le robot-génie, tenu de parler continument pour ne pas s’éteindre, finit par s’éteindre. Le programmé est déprogrammé.

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