only loversDétroit, États -Unis. Une rue déserte, sinistre comme est sinistrée l’ex-capitale de l’automobile ; une maison de maître décatie noyée dans un nocturne blafard ; une pin-up aux faux airs d’ange juvénile, ulcérée, s’égosillant au pied du perron : « Vous êtes deux snobs méprisants ! » Dans l’entrée, un couple morbide-glamour en diable : Adam (Tom Hiddleston, finement casté en Desdichado rock) et Ève (Tilda Swinton, avec sa crinière spectrale). La gamine, c’est Ava, incarnation du cauchemar je-m’en-foutiste postado, petite soeur d’Ève et épine dans le pied du compagnon de celle-ci, Adam, qui vient justement de la fiche à la porte sans autre forme de  rocès et avec l’approbation silencieuse d’Ève. Motif : la tornade immature a transformé son havre solitaire d’esthète, cette bâtisse aux allures de manoir gothique cyberpunk, en un champ de bataille. Abomination aux yeux du musicien qu’est Adam : la bousilleuse n’a pas épargné une précieuse six-cordes vintage. Car Ava est une impie. Adam et Ève sont les derniers gardiens du temple d’une culture en suspens au bord de la vulgarité. Lui, dans sa tanière studio de Detroit, collectionne guitares d’époque, vinyles de soul et de rock. Elle vit ordinairement à Tanger, s’entoure de montagnes de livres, comme un cocon. Quand ils voyagent, ils prennent des pseudos : Stephen Dedalus et Daisy Buchanan. Bref, « deux snobs méprisants », comme persifle la petite Ava, à l’image de ce Only Lovers Left Alive ? Lequel ne serait qu’un exercice de name dropping cuistre étiré sur deux heures, recouvert d’un badigeon luministe esthétisant, au chic creux ?

Ce serait mal connaître Jarmusch : le hipster hirsute est un angoissé ; l’apôtre du ciné léché et rock indé n’est pas un poseur – c’est un mélancolique. Mais pas tendance apocalyptique, façon Ferrara dans 4 h 44 Dernier jour sur terre, avec qui Only Lovers Left Alive partage un certain sens de l’élégie. Plutôt option décadent – comme Huysmans, comme Villiers de L’Isle-Adam ou Wilde pouvaient l’être. Adam et Ève ne sont pas les premiers hommes, mais les derniers véritables humains au milieu de la lie valeurs lésées (musique, littérature), c’est ainsi qu’ils vivent, elle à Tanger, lui à Detroit. Jusqu’au jour où Adam, taraudé par des idées suicidaires, demande à Ève de le rejoindre. De Detroit, une fois subie la visite d’Ava, ils s’envolent pour Tanger. de ceux qu’ils nomment les « zombies », soit à peu près tout le reste de l’espèce, philistine, suicidaire. Isolement aristocratique, culture en vase clos des valeurs lésées (musique, littérature), c’est ainsi qu’ils vivent, elle à Tanger, lui à Detroit. Jusqu’au jour où Adam, taraudé par des idées suicidaires, demande à Ève de le rejoindre. De Detroit, une fois subie la visite d’Ava, ils s’envolent pour Tanger.

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