Mitzpe Ramon, petite ville isolée dans le désert du Néguev, au sud d’Israël. Un centre-ville minuscule et poussiéreux, quelques quartiers périphériques, un hôtel de luxe où triment les autochtones, des barres d’immeubles. Plus loin, un gouffre immense tombant droit sur l’immensité de sable : « C’est tout ce que nous avons de beau ici », lâche un personnage. Le canyon sert de lieu de rendez-vous à Omri et Hadit. Les amants clandestins s’y blottissent l’un contre l’autre, les pieds dans le vide, retrouvailles secrètes filmées au gré de vertigineux panoramiques symbolisant, à intervalles réguliers, la beauté et le danger de s’aimer. Lui est le fils du directeur d’une entreprise de fabrication de papier toilette au bord de la faillite. Elle est la seule employée de l’atelier, bénéficiant d’un contrat aidé à cause de son handicap, un léger retard mental. Hadit offre à son entourage un sourire désarmant, systématique, mécanique, en prélude, en réponse et en conclusion à tout échange. Le sourire de Moran Rosenblatt est une impeccable prouesse d’actrice, incarnant la fragilité et la générosité d’Hadit. Offert à Omri, il est un éblouissement, renversant à la fois le jeune homme et le spectateur. Il est le rempart derrière lequel la jeune femme se réfugie par réflexe : ainsi sourit-elle de toutes ses dents à son frère refusant de la fréquenter. Il est une supplication quand Hadit, se rêvant couturière, se rend à un entretien d’embauche et oppose à la patronne d’une élégante boutique, pétrifiée de gêne, un visage radieux. Obstiné, souvent incongru, le sourire d’Hadit accompagne le lent glissement du film vers la tragédie. Elle rêve de mariage en fabriquant de petites poupées vêtues de blanc dans des rouleaux de papier hygiénique. Mû par une pulsion égoïste, Omri, tiraillé entre désir et lâcheté, lui prometdes noces, enfermant la jeune femme dans un rêve impossible dont il lui fait jurer de ne parler à personne. Ni sa mère, pétrie de culpabilité, torturée d’amour et d’impuissance, ni son patron et ses tentatives maladroites de faire le bien de la jeune femme, ni son fiancé trop sensible aux tentations de l’abjection ne soustrairont Hadit au dénouement sadique et annoncé de son histoire d’amour. Conte cruel, Wedding Doll repose sur une intense opposition entre le bien et le mal, par le biais de forces concentrées autour d’un personnage incapable de soupçon, incarnation d’une forme absolue de vulnérabilité. Documentariste, Nitzan Gilady a donné à plusieurs reprises la parole aux minorités, qu’il s’agisse de la communauté gay en Israël (Jerusalem Is Proud to Present, 2008) ou d’une famille Yéménite immigrée aux USA (In Satmar Custody, 2003). Premier film de fiction, autre récit d’un destin singulier abîmé par une majorité écrasante, Wedding Doll est réussi, sensible, sans maladresse.
Noces cruelles
Avec Wedding Doll, Nitzan Gilady dose cruauté et sensibilité. Une réussite.