Luca Giordano (1634-1705) ou le « baroque du souffle ». Heureuse formule de Sylvain Bellenger, co-commissaire de cette exposition toute en volutes d’ascensions saintes (la composition spiralée, dynamique, de la Madone du Rosaire de 1657), en clartés sensuelles des chairs (Lucrèce et Tarquin, 1663). Peintre du souffle, mais un souffle ardent, celui du Napolitain qu’était Giordano et dont, détaille savamment Bellenger, le chef-d’oeuvre qu’est le San Gennaro intercède pour la cessation de la peste de 1656 (1660) est marqué par la figure vésuvienne de San Gennaro, étroitement lié à Naples, à un imaginaire de la lave.
Feu aussi d’un tempérament artistique, qui donne à sa carrière l’allure d’une irrésistible traînée de poudre. « Luca fa presto », comme on le surnommait assimile tout, très jeune, très vite, de Raphaël à Titien. Sans oublier l’influence de Jusepe de Ribera, l’Espagnol de Naples, dont les clairs-obscurs attiseront une oeuvre comme Apollon et Marsyas (1660) qui démarque nettement le maître. Mais Giordano s’imprègnera aussi des leçons apprises à Rome, de Pierre de Cortone et du Bernin, s’émancipant du ténébrisme de ses premières années pour trouver son juste éclat : une luminosité opulente qui se diffuse dans des espaces grandioses, pleinement baroques. Rien d’étonnant si l’homme fut un des grands fresquistes – l’Escurial lui doit des réalisations qui insufflent un peu de légèreté radieuse à la sévérité espagnole. Luca Giordano, suggère Stefano Causa, co-commissaire également, est « l’anti-Caravage ». Et pour cause, il porte haut le flambeau d’un baroque moins doloriste, plus épanoui dans la griserie des élans et des lumières.
Exposition Luca Giordano (1634-1705). Le triomphe de la peinture napolitaine, Petit Palais, jusqu’au 23 février