chantiers d'europeDepuis plusieurs années la compagnie Hotel Europa, créée par le portugais André Amálio et la tchèque Tereza Havlíčková, explore l’histoire du colonialisme. C’est une nouvelle fois le cas avec leur dernière création, Amores Pós-coloniais, qui questionne, non sans une certaine ironie, la place des relations sentimentales dans les sociétés coloniales. Une pièce qui permet de briser les tabous à propos d’une histoire longtemps tue et des conceptions politiques qui en découlent. Reposant sur un large travail riche de nombreux témoignages de la part d’anciens soldats lusitaniens et de couples mixtes formés pendant la période coloniale, les six comédiens s’en saisissent sur scène pour transmettre ces multiples voix et les interpréter de manière personnelle.

Une façon pour Hotel Europa de porter un regard complexe sur le passé du Portugal et d’en saisir tous ses enjeux, en les rapportant à leurs conséquences contemporaines d’une Histoire toujours en cours d’écriture. Au geste proprement documentaire, s’adjoint une relecture originale où jaillit la fantaisie au coeur de la réflexion politique. Se mélangent, avec une énergie fantasque, les genres dans une forme ample et composite, convoquant théâtre, danse, musique et performance, pour célébrer l’amour comme acte d’engagement. A travers l’interrogation de la possibilité des sentiments au temps des colonies, surgit toute la violence de la société impérialiste, entre racisme et exploitation, dont le spectacle retrace minutieusement la sombre Histoire. En s’attachant à une observation post-coloniale, se déconstruisent progressivement les conceptions pour saisir la place de l’humain dans la difficulté de l’après. Par sa forme et son propos, Amores Pós-coloniaiss’inscrit alors comme un plaidoyer pertinent et fort pour la mixité au centre de l’approche humaine et la nécessité de réhabiliter les victimes du passé.

Amores Pós-coloniais, de André Amálio et Tereza Havlíčková (Hotel Europa), avec aussi Laurinda Chiungue, Pedro Salvador, Selma Uamusse et Ricardo Cruz.

photo : Filipe Ferreira