Chavela Vargas, de son vrai nom Isabel Vargas Lizano, n’est peut-être pas connue du grand public français, mais elle est l’une des pionnières de la scène musicale mexicaine des années 1960 et 70, qui a étendu ses talents en Amérique latine et en Espagne. Catherine Gund et Daresha Kyi retracent sa vie intense dans ce documentaire plutôt classique mais qui dénote toute la complexité de cette chanteuse et musicienne de ranchera, genre populaire traditionnellement pratiqué par des hommes. Les réalisatrices offrent ici une perspective unique sur cette figure emblématique, à travers une interview inédite, enregistrée par Catherine Gund dans les années 1990, noyau d’un film lyrique ponctué de ses chansons, ses spectacles et de souvenirs des intervenantes qui l’ont connu à différentes périodes de son existence. On suit ainsi la trajectoire d’une artiste à contre-courant, démiurge de sa propre légende via son look androgyne, ses ponchos colorés et ses pantalons qui firent scandale dans les années 1950. De sa naissance au Costa Rica jusqu’à sa mort à l’âge de 93 ans en 2012, en passant par sa longue traversée chaotique, au point que certains la croyaient morte, et son retour triomphal, le documentaire explore le mysticisme autour de cette beauté latine. Une femme qui aimait les femmes, qui s’habillait, fumait et buvait comme un homme, et qui portait un pistolet. Le film donne ainsi la parole à ses émotions, ses plaisirs et ses tourments, esquissant le portrait riche d’une femme moderne, libre, singulière, inspirante et véritable icône queer au sein de la communauté LGBT. Une force de la nature qui a fait fi des conventions, luttant contre l’homophobie dans son pays et sa dépendance terrible à l’alcool, avant de parvenir à construire sa résilience. Gund et Kyi abordent également ses relations amoureuses. Notamment son amitié très intime avec l’une des grandes figures de la culture mexicaine du XXe siècle, l’artistepeinte Frida Kahlo. Mais aussi sa rencontre insolite avec Ava Gardner lors d’une des noces d’Elisabeth Taylor. Les réalisatrices laissent ensuite une place plus importante à celle qui fut sa compagne de longue date, Alicia Pérez Duarte. Le récit gagne ainsi en profondeur et en intimité, décrivant toujours plus la vie pleine de tumultes et de souvent la parole à des femmes, l’arrivée de Pedro Almodovar apporte de nouvelles couleurs. Le cinéaste espagnol, qui l’a souvent comparé à Édith Piaf, se démenant pour lui obtenir la scène de l’Olympia de Paris, a eu un rôle déterminant dans le renouveau de sa carrière, nourrissant certains de ses films de ses textes passionnés et engagés. Le documentaire explore ainsi l’importance et la force qu’elle a su entretenir avec les autres. Un bel hommage donc, que Chavela Vargas dédie elle-même, dès l’interview en ouverture, à toutes les femmes du monde auxquelles elle a consacré ses chansons.
Les femmes de sa vie
Les réalisatrices Catherine Gund et Daresha Kyi livrent un beau portrait sur Chavela Vargas, l'une des chanteuses populaires et icône queer mexicaine.