jeunesseKaléidoscopique jeunesse. Certains portent leur colère à ébullition place de la République, d’autres s’enlisent dans l’aquoibonisme, d’autres enfin entendent les sirènes, si vieilles, mais si peu enrouées, du romantisme de l’aventure. Zico (Kévin Azaïs, belle gueule intense attendrie par des reflets de candeur) est de ceux-ci. Plutôt que de donner du front contre un horizon économique bouché, il prend la mer et la tangente. Julien Samani, qui adapte Conrad, semble d’abord appareiller pour les eaux du mythe. Le bateau, malgré son allure d’épave en sursis, est baptisé Judée – nom prometteur, justement, d’un voyage vers une Terre promise. Au fil du voyage, houleux, il y aura une voie d’eau, la mort d’un matelot à la vie auréolée de mystère romanesque, une relâche au Portugal avec biture carabinée, une explosion dans la cale. Ajoutez à tout ça un capitaine qui tient simultanément du papa gâteau et du flibustier au petit pied (Jean-François Stévenin, réjouissant), un second qui semble né sous l’étoile noire de la fatalité (Samir Guesmi, rude écorce, fond attachant de mélancolie), mettez un zeste de lumières écarlates et enténébrées, secouez le tout avec une caméra qui sait tanguer, et vous avez le capiteux cocktail de l’aventure. Un classique, mais toujours aussi excitant.

Sauf que la jeunesse est cabocharde, qu’elle résiste à toute tentative de l’épingler dans la case d’un genre. On rajoutera donc un « s » au titre du film et on embarquera pour d’autres latitudes que celle du romanesque. Car Zico n’a pas seulement de son âge les aspiration héroïques, il en a aussi, indémêlables du reste, la morgue et la présomption (très peu pour lui briquer le pont, il mérite évidemment mieux). Il en pratique la langue, à la fois prosaïque et abrupte, éloignée du désintéressement sublime ou de l’ambition folle et prométhéenne du coureur d’aventures romantique : s’il confesse vouloir faire « des trucs grands », ces trucs, c’est du « bizness ». Et il suffit que la mer se mue en montagne russe, que le coeur reflue au bord des lèvres, pour que sous le cuir durci du risque-tout le petit garçon malade, recroquevillé sur son lit, resurgisse. Héros dans l’âme, mais aussi petit con exaspérant, gamin touchant, naïf immature… C’est sans doute ce que capte le mieux Julien Samani, la nature instable de la jeunesse. Cet état de la vie qui n’en est pas un, puisqu’il n’est pas, justement, établi, mais toujours en flux, d’une humeur à l’autre, d’un rêve à une désillusion. Et le découpage est au diapason, qui taille dans le gras des transitions, juxtapose les événements plus qu’il ne les enchaîne. Ainsi la séquence de l’incendie dans la cale, dont les parties constituantes (héroïsme de Zico, fraternisation de l’équipage, explosion, abandon du navire) se suivent comme les mouvements d’un balancier qui irait d’un extrême à l’autre, du positif au négatif. La jeunesse est pressée, elle n’a pas de temps à perdre.