theebLe Theeb désigne un loup pour les bédouins. Dans le désert, le loup est plus respecté que dans nos villes. Il est bien entendu craint mais il désigne surtout un être de courage, capable de relever les plus grands défis. Dont celui de respecter la Loi dite de Dakheel : quand un étranger demande refuge à une tribu, il faut la lui accorder et lui permettre de rester sous protection jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun danger pour lui. Ce défi, le petit Theeb va devoir le relever en recevant parmi les siens un officier britannique à la recherche d’un puits en direction de la Mecque. Relever ce défi pour Theeb, c’est être à la hauteur du nom illustre que son défunt père lui a donné. Pour raconter cette histoire d’initiation, le jeune cinéaste britannique Naji Abu Nowar ne s’est pas rendu la tâche aisée. Il a voulu aller à la rencontre des bédouins, les faire jouer et ne pas caricaturer leurs moeurs comme il est coutume dans les feuilletons populaires arabes. Dotés d’une grande puissance photogénique, les acteurs non professionnels improvisent leurs maigres dialogues et discutent dans un dialecte bédouin sans accent. S’il nous montre un peuple attaché à la famille, à la chasse et à leurs chameaux, le film ne souffre jamais de sa précision ethnologique. Rien à voir avec un certain world cinema  qui ne fait qu’afficher des signes exotiques de son ouverture sur des contrées qui nous sont méconnues à la manière de certains shows télé. Rien de pittoresque ici. Au contraire. Theeb  est remarquable de précision, tant le film est assujetti au récit, aux personnages et, notamment, au seul point de vue d’un enfant qui va devoir traverser le désert pour protéger son grand frère Hussein de cet étranger dont il ne comprend pas bien les intentions. D’autant que le soldat britannique trimbale avec lui une grosse boîte mystérieuse dont personne n’a le droit de s’approcher. Le récit d’ouverture d’un regard, de perte de l’enfance se double d’un formidable film d’aventures d’une très grande puissance graphique. Sur leur chemin, Theeb et Hussein rencontrent des bandits. Leurs confrontations donnent lieu à une scène extraordinaire, inédite : replié la nuit derrière des rochers dans un immense canyon, Theeb ne distingue pas ses ennemis mais les entend murmurer, ricaner, hurler comme des loups affamés dans la nuit. Scène de sidération et de terreur enfantine qui se soldera par un échange de coups de feu où jamais n’apparaissent les visages et les silhouettes des assaillants. A la manière de la forêt dans les récits de Jack London, le désert devient aussi fascinant que menaçant. Naji Abu Nowar a choisi de filmer son histoire dans le désert de Jordanie, là où Lean cinquante ans plus tôt immortalisait les apparitions d’Omar Sharif dans Lawrence d’Arabie . Désert de canyons grandioses, de montagnes extraordinaires dont les différents changements de configurations scandent les nombreuses péripéties d’un récit moral. Son utilisation de l’espace laisse pantois, tant il ne filme que très rarement le ciel pour conférer à son désert une géométrie impossible. Jusqu’au final ambigu, le  film se sera transformé en un des plus beaux et tragiques westerns vus depuis longtemps.